2012 : le scrutin menacé par Twitter ?

En 2007, les premières estimations avaient fuité vers 18h00 sur les réseaux sociaux.
En 2007, les premières estimations avaient fuité vers 18h00 sur les réseaux sociaux. © Maxppp Facebook Twitter
  • Copié
, modifié à
Les internautes risquent de relayer les 1ères estimations avant la fermeture des bureaux de vote.

A l'heure du boom des réseaux sociaux, le bon déroulement de la présidentielle de 2012 est-il menacé ? Si les premières estimations des instituts de sondage ne doivent pas tomber avant la clôture des derniers bureaux de vote, à 20 heures, certains pourraient être tentés de ne pas respecter cette échéance et de relayer ces informations sur les réseaux sociaux, avec le risque d'altérer la sincérité du scrutin. Des dizaines de millions de Français pourraient en effet être au courant des résultats avant la fermeture des bureaux de vote et en profiter pour changer leur bulletin.

"Une crainte réelle"

Invité mardi sur Europe 1 dans l'émission Des clics et des claques à 200 jours du 1er tour de la présidentielle, Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop a estimé que le risque d'un bug était bien présent. "C'est une crainte réelle que le 22 avril prochain, vers 18h30, lorsque les instituts auront transmis leurs estimations aux médias, aux QG des candidats, aux agences de presse, certains les mettent sur Facebook ou sur Twitter". Pour le sondeur, il y aurait là "un vrai problème d'inégalité d'information entre les citoyens et un doute réel sur la sincérité du scrutin".

En effet, en cas de faible écart de voix entre deux candidats, des électeurs qui n'ont pas encore voté pourraient être tentés de changer leur vote dans la dernière heure restante. En 2002, seulement 194.600 voix d'écart séparaient Lionel Jospin et Jean-Marie Le Pen.

L'exemple de 2002

En 2002, les réseaux sociaux n'étaient pas nés, mais le bouche à oreille fonctionnait. Effrayés par les premières estimations donnant Jean-Marie Le Pen au second tour devant le candidat socialiste, certains avaient tenté d'influencer le scrutin dans la dernière heure, dans les DOM-TOM notamment. Invitée de l'émission Des clics et des claques, la députée (DVG) Christiane Taubira, candidate à la présidentielle il y a dix ans s'est souvenue : "il y a eu un vent de panique dans la dernière heure. Des électeurs ont dit qu'ils avaient finalement décidé de voter Jospin".

"Le 21 avril 2002, j'étais derrière mon ordinateur. Il y avait des gens du PS qui disaient, on va appeler massivement les DOM-TOM, il reste encore 1h30 avant la fermeture des bureaux de vote des très grandes villes, on va pouvoir inverser la tendance (…), s'est également rappelé Frédéric Dabi.

"Ça se faisait à un niveau artisanal", a-t-il toutefois fait remarquer. Avec le développement des réseaux sociaux, "ça se fera à un niveau massif. Ce sera un vrai problème sur lequel il faut se pencher ", a-t-il ajouté.

Une solution pour éviter le scénario catastrophe

Et pour Frédéric Dabi, il y a une solution toute simple : "homogénéiser la fermeture des bureaux de vote, comme pour les élections européennes".

Un point de vue partagé par Mattias Guyomar, secrétaire général de la Commission des sondages, pour qui c'est bien la sincérité du scrutin qui est en jeu. Dans l'émission Des clics et des claques, ce dernier a rappelé que la loi de 1977 cherche d'ailleurs à éviter que les électeurs soient influencés par des sondages diffusés la veille du scrutin, et que c'est pour cela qu'ils sont interdits. Et Mattias Guyomar de souligner qu'"il y a une sanction pénale" à la clé. "Quinconque tweetera ou relaiera un tweet risquera une amende dont le maximum est de 75 000 euros", a-t-il prévenu.

Face à Twitter et Facebook, la loi de 1977 paraît désormais un peu désuète. "Il y a un monde qui a changé, la technologie a changé, la loi est totalement dépassée par la situation", estime ainsi Pierre Haski du site Rue89. "Nous avons constaté que ça s'est fait sur notre site, aux élections régionales en 2010. Nous avons mis pour la première fois un bloc Twitter (…) qui dans notre article reprenait un flux de tweets. (...) Au bout de 20 minutes nous nous sommes rendu compte qu'un certain nombre de ces tweets contenaient des résultats via la Suisse et donnaient des résultats à un moment où c'était complètement illégal", se souvient-il.

Le cofondateur et président de Rue89 en est donc sûr : "tout cela n'est pas du tout de la politique fiction". Il reste 199 jours pour régler le problème.