Les 7 vies politiques de Renaud

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Le chanteur fête ses 35 ans de carrière et de chansons engagées… Mais pour quelles causes ?

Le chanteur "énervant", c’est lui. C’était lui. Renaud fête ses 35 ans de carrière avec notamment une réédition de tous ses albums studio réunis dans un coffret vinyle baptisé sobrement… Intégrale. Panne d’inspiration ? Au fil de ses chansons, Renaud a pourtant multiplié les prises de position, les cris de colère. Des coups de gueule politiques tous azimuts.

1975-1980 : Renaud, le jeune anar’. "J'ai chanté 10 fois, 100 fois/j'ai hurlé pendant des mois/j'ai crié sur tous les toits/ce que je pensais de toi/société, société/tu m'auras pas" : en 1975, Renaud hurle sa soif de liberté libertaire dans Société tu m’auras pas. Mais à 23 ans, il peine à se faire une place : pour sa première télé, comme sa chanson Hexagone est boycottée, "Etre né sous l'signe de l'Hexagone/c'est vraiment pas une sinécure/et le roi des cons, sur son trône/il est français, ça j'en suis sûr", il chante Camarade Bourgeois, "Camarade fils-à-papa/je sais, ton père est patron/faut pas en faire un complexe/le jour d'la révolution/on lui coupera qu'la tête". Résultat : 2.000 albums vendus dans la France giscardienne.

1980-1985 : Renaud, le pacifiste écolo. En 1983, Renaud décide de reprendre Le Déserteur, un texte écrit par Boris Vian trente ans plus tôt, à la fin de la guerre d’Indochine. "Monsieur le président,/Je suis un déserteur/De ton armée de glands/De ton troupeau d' branleurs" : le message, violent, est intemporellement antimilitariste et pacifiste. Renaud l’adapte aux années 80, celles d’avant la chute du Mur de Berlin, redoutant le jour où "les Russes, les Ricains/Feront péter la planète". Mais il lui donne aussi une tonalité plus écolo, se réclamant "du parti des oiseaux/Des baleines, des enfants/De la terre et de l'eau".

1985-1990Renaud, le "diplomate". Les combats de Renaud ne s’arrêtent pas aux frontières de l’"Hexagone". En 1985, pour récolter des fonds et lutter contre la famine, il écrit la chanson SOS Ethiopie. La même année, le chanteur rend hommage aux femmes à sa façon : en attaquant Miss Maggie, Margaret Thatcher, la Dame de fer intraitable avec les mineurs britanniques comme avec les Irlandais de l’IRA. "Y a pas de gonzesse hooligan/Imbécile et meurtrière/Y'en a pas même en Grande-Bretagne/A part bien sûr Madame Thatcher" : c’est l’incident diplomatique assuré. Un artiste anglais réplique en chantant que les Français "sont arrogants". Na !

1990-1995 : Renaud, le mitterrandien fidèle. Dix ans après mai 1981 et l’arrivée de la gauche au pouvoir, Renaud consacre une chanson à celui qu’il surnomme "Tonton". Il l’a soutenu publiquement lors de sa réélection en 1988 en faisant paraître une page entière avec le slogan "Tonton, laisse pas béton !". La chanson Tontonest tout en tendresse, "Il a le regard des sages/Il est la force tranquille, sereine/Il est comme un grand chêne", bien loin des critiques qui montent en cette fin de règne marquée par les affaires politico-financières. Mais où se situe vraiment Renaud sur l’échiquier politique ? Il se dépeint en "rouge, noir, vert et un peu rose aussi", dans une interview en 1992.

1995-2000 : Renaud, le laïc indéfectible. Fin de siècle, fin d’une époque avec le retour de la droite au pouvoir, Renaud, lui, est en pleine traversée du désert. Le chanteur sombre dans l’alcool et ne sort pas d’albums. Mais il écrit en 1996 une chanson pour le film Fallait pasde Gérard Jugnot. Une occasion de découvrir entre les lignes un Renaud qui fustige les religions, toutes les religions : "T'as raison mon p'tit gars !J'veux plus d'Jésus, plus d'Krishna/Et tant pis pour mon karma !".

2000-2005 : Renaud, le défenseur des faibles. Sous le choc des attentats du 11-Septembre, avecManhattan-Kaboul, Renaud laisse de côté les grands discours politiques, par exemple sur l’intégrisme religieux, et choisit plutôt de se mettre à la hauteur des victimes : un "petit Portoricain, bien intégré quasiment New-Yorkais" et une "petite fille afghane, de l’autre côté de la terre", ensemble "pulvérisés, sur l’autel, de la violence éternelle". Un combat "éternel", très grand public aussi et qui fait mouche dans les bacs : 700.000 singles vendus.

2005-2010Renaud, l’homme d’un seul combat à la fois. Rouge Sang, le titre du dernier album de Renaud en 2005 avait pourtant tout pour être politique… Las, Renaud n’a guère plus que la force de s’attaquer aux "bobooos", la voix définitivement cassée. Finie la mitraillette qui arrosait toute la société, Renaud ne ressort son flingue que pour défendre une seule cause à la fois comme avec Dans la jungle, une chanson écrite pour exiger la libération d’Ingrid Betancourt, alors otage des Farc en Colombie. "Peut-être, comme moi/Les croyais-tu, naguère/Fils de Che Guevara/Et porteurs de lumière/Mais leur lutte finale/Leur matin du grand soir/C'est la haine et le mal" : une page est bel et bien tournée.

Le chanteur “énervant” le confie sans détour : il n’est plus énervé, il est surtout fatigué. Désormais, "commenter ce monde, le critiquer, me paraît totalement futile aujourd'hui", confie-t-il dans une interview au magazine Serge.