Netflix : pourquoi "Marseille" est de retour malgré le "bad buzz" de la saison 1

Benoît Magimel (le personnage de Lucas Barrès) et Gérard Depardieu (le personnage de Robert Taro).
Benoît Magimel (le personnage de Lucas Barrès) et Gérard Depardieu (le personnage de Robert Taro). © Netflix
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Guillaume Perrodeau , modifié à
Vendredi, Netflix diffuse les huit épisodes de la deuxième saison de "Marseille", la première production française du géant américain, et ce alors qu'elle avait été sévèrement critiquée par la presse il y a deux ans.

"Une saga d'été digne des années 1990", fustigeait le journaliste Alain Carrazé sur Europe 1. "Un navet", pour Télérama, "un accident industriel" pour Le Monde. À la sortie de la première saison de Marseille, en mai 2016, les qualificatifs négatifs ne manquaient pas dans la presse française pour expliquer à quel point la série, première production française de Netflix, était mauvaise. La presse étrangère, elle, n'était pas beaucoup plus tendre, à l'image du Hollywood Reporter ou du New York Times.

Pourtant, un mois après, le géant de la SVOD confirmait le tournage d'une seconde saison. Et vendredi, les huit nouveaux épisodes de cette suite seront disponibles sur la plate-forme américaine. Une seconde saison pour une série tant décriée, est-ce si étonnant ?

"Netflix lance toujours ses productions originales sur deux saisons". Pour Alain Carrazé, journaliste spécialiste des séries, "Marseille n’a pas été renouvelée malgré le mauvais accueil critique. La série a été renouvelée parce que c’était prévu comme ça". Selon le journaliste, "Netflix lance toujours ses productions originales sur deux saisons". "Il existe des exceptions, bien sûr, comme toujours, mais dans la majorité des cas, c’est comme ça. (...) Plutôt que de faire une saison de 16 épisodes, on en fait deux de huit", indique-t-il. "Regardez Marco Polo, qui était un désastre artistique absolu, la série a également connu deux saisons".

L'abonnement avant tout. Pour Virginie Spies, maître de conférences à l’université d'Avigon, analyste des médias et auteure de la chaîne YouTube Des Médias Presque Parfaits, "si la critique a été très dure, ça ne veut pas dire que la série n'a pas fonctionné auprès du public". Problème, Netflix ne communique pas sur l'audience de ses contenus. "Les chiffres de visionnage ne sont jamais publiés, il est donc très compliqué d’analyser les séries à partir des audiences", souligne la spécialiste.

Nielsen, compagnie de mesure aux États-Unis, a fait le pari en octobre dernier de percer à jour le "mystère" des audiences de Netflix. À l'occasion de la saison 2 de Stranger Things, l'entreprise a ainsi annoncé pour la première fois les audiences d'un programme diffusé sur Netflix, sans pour autant que le géant de la SVOD ne valide la mesure et la méthode. Nielsen utilise en réalité "un logiciel de reconnaissance audio dans son panel de 44.000 foyers", censé être capable "d'écouter" - et donc de connaître - ce que regarde les personnes concernées.

Une absence de données et un constat : pour Netflix, l'audience d'un contenu est secondaire. "Ce qui compte, c'est de faire venir les gens : l'abonnement et son renouvellement. Le spectateur peut regarder le premier épisode d'une série et ne pas trouver ça bon, il en aura plein d’autres à regarder à côté", indique Virginie Spies.

Marseille, un "produit d'appel". Fin janvier, le nombre des abonnés Netflix a encore augmenté, atteignant les 117,6 millions dans le monde. Le géant américain de la SVOD possède à présent plus de clients à l'international qu'aux Etats-Unis. Outre-Atlantique, l'entreprise compte d'ores et déjà plus d'abonnés que les chaînes du câble, soit un peu plus de 50 millions. Marseille, en tant que première série française, qui en appelle d'autres, se présente donc comme "un 'produit d'appel' (...) à entrevoir dans une stratégie industrielle, d'installation et d'implantation en Europe, qui représente un très grand marché", décrypte Virginie Spies.

S'implanter durablement, changer les modes de consommation des utilisateurs, Netflix a toujours eu des objectifs clairs. Et pendant longtemps, les acteurs français de l'audiovisuel ont fermé les yeux, pensant que l'entreprise ne réussirait pas son implantation dans l'hexagone, au nom de l'exception culturelle française.

En juin 2017, dans un entretien au Monde, Reed Hastings, le PDG de Netflix, annonçait 1,5 million d'abonnés aux services de la plate-forme américaine en France. Et il ne se cachait pas au moment d'évoquer sa tactique de conquête. "Notre stratégie est de produire volontairement du contenu français et d’investir dans la création, afin d’apaiser les tensions avec le secteur", expliquait-il. Des tensions mises en lumière lors du dernier Festival de Cannes, autour de la chronologie des médias en vigueur en France, qui oblige un service de VOD par abonnement à attendre 36 mois entre l'exploitation d'un film en salles et la sortie sur sa plate-forme.

Une donnée qui n'empêche pas Netflix de poursuivre sa stratégie de conquête. En 2018, l'entreprise américaine va investir 8 milliards de dollars dans des œuvres originales, pour arriver à un catalogue composé à 50% de contenus exclusifs et ce, dès la fin de l'année.