Ce que le retour triomphal de "Roseanne" dit de l'Amérique

Les acteurs Roseanne Barr et John Goodman.
Les acteurs Roseanne Barr et John Goodman. © ABC/Adam Rose
  • Copié
Guillaume Perrodeau , modifié à
Le retour de la sitcom sur les écrans américains a attiré 18,4 millions de curieux. Le personnage principal, Roseanne Conner, est interprété par Roseanne Barr, ouvertement pro-Trump.

Le 27 mars dernier, la sitcom culte Roseanne faisait son retour sur ABC, 21 ans après la diffusion du dernier épisode de la saison 9. Même casting qu'à l'époque, avec dans les rôles principaux Roseanne Barr (Roseanne Conner) et John Goodman (Dan Conner). Ces deux nouveaux épisodes inédits ont attiré 18,4 millions de spectateurs en moyenne. Un score bluffant. À titre de comparaison, seul l'épisode de This Is Us, programmé après le Super Bowl et diffusé sur NBC a réalisé des audiences supérieures cette saison. Mais ce succès soulève plusieurs questions, lorsque l'on sait que l'actrice vedette est connue pour ses prises de positions ouvertement pro-Trump.

Une série sur les blue-collar. Diffusée initialement entre 1988 et 1997, la sitcom Roseanne mettait en lumière une catégorie de population bien précise : les blue-collar (col bleu). En l'occurrence, une famille ouvrière de l'Illinois, qui tente de joindre les deux bouts. "C'était le thème de la série dans les années 1990 et elle revient dans le même état d'esprit", explique Alain Carrazé, journaliste spécialiste des séries TV.

Mais Roseanne fait son retour dans un contexte bien précis. Nous sommes en 2018, Donald Trump est installé à la Maison-Blanche depuis un an. Un président qui s'est justement fait élire sur cet électorat ouvrier blanc, ces cols bleus. D'autre part, l'actrice principale de la série, Roseanne Barr, n'a pas caché son soutien à Donald Trump pendant la présidentielle et a récemment fait parler d'elle en relayant des théories conspirationnistes.

"Il y a un mélange des genres entre l'actrice à la ville et le personnage à l'écran", souligne Alain Carrazé. En effet, dans Roseanne, la comédienne est une républicaine assumée et défend Trump, dans la même lignée que ses prises de positions publiques. "Face à ce double constat, la question qui se posait était la suivante : est-ce qu'il s'agit d'une sitcom ou d'un outil de propagande ?", résume Alain Carrazé.

Un retour salué par le New York Times et CNN et... Donald Trump. Si l'on se fie aux deux premiers épisodes, il semble que la production a pris le soin d'apporter des contradicteurs face à son héroïne. Notamment avec le personnage de Jackie Harris, jouée par Laurie Metcalf, une pro-Clinton dans la sitcom. Clay Cane, journaliste à CNN, souligne d'ailleurs que les deux premiers épisodes sont "à des milliards de kilomètres de la perspective de Trump, Roseanne Barr et Fox News". Dans sa critique, le journaliste estime que Wanda Sykes, Sara Gilbert et Whitney Cummings (showrunners de la série) ne permettront pas que la série soit un outil de propagande pro-Trump.

De son côté, le New York Times affirme que la sitcom est plutôt bien représentative du clivage américain. Dans le premier épisode, où les sœurs Roseanne et Jackie se disputent, le quotidien américain y voit tout simplement "la grosse dispute qui traverse l'Amérique" et que les élections ont mis en lumière.

Roseanne semble donc avoir convaincu les deux camps, puisque même Donald Trump a appelé Roseanne Barr pour la féliciter des audiences. Reste maintenant à savoir si la sitcom aura conserver cette ligne artistique lors des prochains épisodes et si les téléspectateurs resteront au rendez-vous. Une onzième saison a en tout cas déjà été commandée.