Camille Langlade (BFMTV) : "Fillon a lui-même donné les cartouches à ses ennemis pour se faire abattre"

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A.H. , modifié à
Qui a tué François Fillon ? Dans un documentaire diffusé sur BFMTV à 22h40 lundi soir, des journalistes reviennent sur l'affaire qui a détruit la carrière politique de celui à qui l'on promettait déjà l'Elysée.
INTERVIEW

Un an après le Penelope Gate, qui a coûté la présidentielle à François Fillon, BFMTV diffuse lundi, en deuxième partie de soirée, un documentaire exceptionnel qui retrace l'histoire de l'enquête journalistique qui a mené à l'affaire. Exceptionnel, surtout, par les révélations qui y sont faites et le nombre de témoignages d'ennemis et d'amis du candidat déchu. 

Qui a tué Fillon ? Pas simple pour la journaliste Camille Langlade et son équipe de convaincre les politiques de participer à ce documentaire. "C'était plus facile pour les ennemis déclarés ou qu'on a découverts au fur et à mesure de l'enquête. En revanche, pour convaincre les amis proches, intimes, de raconter leur version des faits, ça a été plus compliqué", note Camille Langlade, invitée de Village Médias lundi sur Europe 1. L'objectif pour ces journalistes de BFMTV : remonter à la source du Canard enchaîné, qui a révélé l'affaire le 25 janvier 2017. "D'où vient cette curiosité du Canard enchaîné ? D'où vient l'information ? Et comment ils tirent le fil ? Y a-t-il eu un complot ? Est-ce que quelqu'un leur a apporté cette information toute cuite ?" Camille Langlade égraine les questions qui ont accompagné l'enquête. Interrogés dans le documentaire, les journalistes du Canard sont formels : "ils expliquent qu'il n'y a pas eu de Dark Vador qui a voulu tuer François Fillon". 

"Sarkozy n'a jamais vraiment tranché". De son côté, le documentaire soutient la thèse d'une mise à mort de François Fillon, voulue et orchestrée par sa propre famille politique. "On a beaucoup dit que Nicolas Sarkozy était l'artisan du crash Fillon, mais finalement - et c'est l'une des découvertes de ce documentaire - il n'a jamais vraiment tranché", glisse la journaliste. "Comme dans Le Crime de l'Orient-Express, il n'y a pas qu'un meurtrier. Chacun y est allé de son petit coup de couteau", peut-on entendre dans le documentaire. Camille Langlade confirme : "François Fillon a lui-même donné les cartouches à ses ennemis pour se faire abattre."

 

L'affaire des costumes, les révélations de Bourgi

Autre séquence instructive de ce documentaire, celle qui revient sur l'affaire des costumes qui, après le Penelope Gate, a achevé la candidature de François Fillon. "On révèle dans ce documentaire que c'était non seulement Robert Bourgi (un avocat, très proche de Nicolas Sarkozy, ndlr) lui-même qui a appelé le JDD pour expliquer que c'est lui qui a offert ces costumes à François Fillon, mais que c'était une orchestration. Il avait prévu son coup depuis longtemps", indique Camille Langlade au micro d'Europe 1.

"Je vais le niquer. Il ne s'en remettra pas". Pour rappel, Robert Bourgi, ami de François Fillon, lui fait cadeau de 13.000 euros de costumes. François Fillon le remercie par SMS, mais ne donne plus jamais de nouvelles. Robert Bourgi en conçoit une immense rancœur et décide de se venger. Il va prévenir Nicolas Sarkozy. Cette anecdote, il l'a raconte face caméra dans le documentaire. "Il me dit : 'Ça va ? Je te trouve bizarre'. Je lui réponds : 'J'ai la grosse colère'. Il me dit : 'Mon dieu, qui est-ce qui va souffrir ?'", raconte-t-il. "Je lui dit 'Ecoute ce qui se passe, Nicolas…'. Et j'ai eu cette phrase, je lui ai dit : 'Je vais le niquer. Il ne s'en remettra pas'. Il m'a dit : 'En matière de tuerie d'hommes politiques, tu t'y connais…'"

"N'humiliez jamais un ami". Se dessine alors un plan machiavélique. Robert Bourgi explique qu'il va payer les costumes… en laissant une trace. "Au début, il décide de ne pas les payer. Puis, au fur et à mesure de la campagne et des non-réponses de François Fillon, il décide de payer par chèque. Cette trace sera transmise au JDD", explique la journaliste de BFMTV. En apprenant cela, c'est la panique dans le camp Fillon. L'intéressé lui-même appelle Robert Bourgi. "Il me dit 'Robert, je me suis laissé dire que demain, le JDD sort un article sur les costumes. Comment est-ce possible ?' Je lui réponds : 'Je ne sais pas, il y a des fuites partout'. Je sais mentir quand il le faut. Je savais que l'homme était déjà atteint, terrorisé. N'humiliez jamais un ami, tôt ou tard, il vous le fera payer", lâche-t-il, très fier et ne pouvant réprimer un sourire de satisfaction, face caméra. "On sent la jouissance de Robert Bourgi à tuer François Fillon", juge Camille Langlade.