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"Mes enfants ont été embrigadés, comme la majorité de ces jeunes qui se retrouvent à l'autre bout du monde", raconte la mère de deux jeunes partis en Syrie.

Yasmine, mère de 2 enfants (âgés de 23 et 16 ans), partis en Syrie

Ses principales déclarations :

 

Vos deux enfants sont partis en Syrie. Le plus vieux il y a un an, le plus jeune il y a quelques mois...

"L'aîné a eu une période de crise pendant laquelle on a eu quelques difficultés à comprendre ce qui se passait en lui et autour de lui, ça a duré 4 à 5 semaines. On a donné l'alerte aux autorités : voir le commissariat le plus proche, dire qu'il y avait une situation de danger au niveau de notre fils mais qu'on ne savait pas mettre le doigt sur la source de cette situation. On a demandé leur aide. Ils nous expliqué qu'il était majeur, qu'il n'y avait pas grand-chose à faire à leur niveau. Les choses se sont passées très rapidement par la suite : cette crise s'est relativement calmée pendant la période Noël / Nouvel An, et dix jours après la reprise des cours, il nous a appelé, en fin de journée : "Je suis parti, on rentre en Syrie très prochainement avec un groupe d'amis."

"Les signes qui auraient dû m'alerter ? Pour l'aîné, l'excès de zèle dans la pratique religieuse. Ça nous mène au danger qu'il y a autour de certaines mosquées. Mais d'autres parents nous ont remonté des informations particulières à leurs enfants : ils auraient été abordés au niveau de salles de musculation, de salles de jeux vidéo ou d'autres encore, par exemple l'ainé et le plus jeune,  des actions humanitaires sur le terrain, en centre-ville, aide aux plus démunis et sans-abris. Ils auraient été manipulés par ce biais."

"L'ainé a t-il entraîné le plus jeune ? Difficile à dire. Je le vois comme le jeune frère qui, nous voyant abandonnés par les autorités belges, sans ressource, quoi faire, où aller, où trouver de l'aide... Peut-être qu'il a eu l'idée d'infiltrer ce type de groupes, d'aller lui-même chercher son grand frère même si, résultat des courses, il s'est retrouvé piégé dans cette démarche..."

Quelles nouvelles avez-vous de vos enfants ?

"Pas des nouvelles fréquentes mais régulières dans la mesure du possible. Assez brèves.  Ils me donnent de leurs nouvelles, ils me disent qu'ils sont en bonne santé, qu'ils ne manquent pas de grand-chose, que je ne dois pas m'inquiéter. En dehors de ça, difficile d'avoir d'autres détails quant à leur rôle réel sur le terrain. Ils laissent des appels en absence : je les rappelle tout de suite après, depuis un téléphone ou par Skype, mais c'est très rare."

 

Vos enfants sont embrigadés ?

"Totalement, comme la majorité de ces jeunes qui se retrouvent à l'autre bout du monde, on ne sait trop comment et pourquoi. Leur mission ? Pour qui ils se battent ? Difficile à dire. Quand je les interroge, ils me disent qu'ils sont là pour aider, aider le peuple syrien, abandonné par le reste du monde, des orphelins trainent dans les rues, des femmes sans foyer, des familles sans nourriture et sans eau potable..."

Ce sont des jihadistes, pour vous ?

"Je n'en ai aucune idée, et aucun élément ne me permet d'infirmer ou confirmer."

Qui a emmené votre fils mineur ? Qui l'a aidé à voyager ?

"Aucune idée. Et depuis le jour de sa disparition, ce sont 36.000 questions qui nous hantent. Qu'on pose à toutes les autorités en Belgique et à l'étranger, et sur lesquelles on  n'a absolument aucun élément de réponse. Qu'un mineur puisse parvenir à passer les contrôles douaniers en Belgique, a fortiori à l'étranger en Turquie, ça donne à réfléchir,  à interpeller. Ce week-end, j'ai pris l'initiative d'aller rencontrer mes jeunes : le poste-douane d'Istanbul m'a invité à prendre le premier vol retour pour la Belgique, m'ont interdit l'accès à la Turquie et la possibilité de continuer mon voyage vers le Sud de la Turquie."

Vos enfants sont des terroristes, des apprentis terroristes ?

"C'est difficile à dire. Mais clairement, là où ils sont, coupés de leurs liens les plus essentiels, les amis, la famille, et entourés de gens qu'on ne connait ni d'Adam ni d'Eve, tout est possible. Ce qui me fait le plus peur ? Le stress de tout parent : ne pas les revoir un jour. Mais je garde espoir malgré tout. Je chasse cette idée très rapidement. L'espoir me donne l'énergie de continuer le combat que je mène ici pour les retrouver d'une manière ou d'une autre et le plus rapidement possible."