Bonnets rouges : "La révolution de 1789 a commencé comme ça"

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Selon Alain Madelin, le symbole de l'écotaxe est extrêmement lourd historiquement car la colère bretonne contre les portiques rappelle la révolution de 1789.

Alain Madelin, ancien ministre de l’Economie et des Finances.

Ses principales déclarations :

 

La polémique enfle concernant Ecomouv et le prix de la collecte de l'écotaxe. Vous êtes choqué ?

"Je crois que la technique des partenariats public-privé, si elle est pratiquée partout dans le monde, c'est qu'elle est bonne. Vous aviez une concurrence : il n'y a pas de meilleure méthode pour trouver un bon prix que de mettre les gens en concurrence, donc le prix est forcément le bon. Comparé à l'Allemagne, nous avons 230 millions de redevance annuelle pour 1,2 milliard de recettes. En Allemagne, c'est 600 millions de redevance annuelle ! Mais en Allemagne ça rapporte plus de 4 milliards ! Voilà la différence ! Vous mettez une énorme infrastructure pour contrôler 800.000 camions sur 15.000km de route, et vous faites tourner en France, du moins au début, cette infrastructure à petit régime ! Les Français ne sont pas fous ! Ils savent très bien que, derrière cela, il y aura une montée en puissance de l'écotaxe ! Quand on a décidé l'écotaxe, on attendait des rendements bien plus importants ! Cette écotaxe a l'air de coûter cher aujourd'hui, elle coûtera cher si on l'abandonne... Elle coûtera encore plus cher si on la maintient !"

"En Allemagne, les autoroutes sont gratuites, pas de limitation de vitesse, donc allons-y, on a mis cette écotaxe. Mais en Allemagne on envisage de l'étendre aux voitures individuelles ! C'est un peu comme la CSG : on dit 1% au début, puis, paf, on passe à 8 ! Derrière ces portiques, il y a ce qu'on ne dit pas, à mon avis : la montée en puissance !"

"Les Bonnets rouges en Bretagne, c'est une révolte contre la taxe à prendre au sérieux. La Révolution Française a commencé comme ça ! Sept ans avant la révolution : l'écotaxe de l'époque, c'était le mur des Fermiers généraux ! Au début de 1789, Necker décide d'arrêter la construction de la barrière. Deux jours avant le 14 juillet, c'est l'incendie des barrières de Passy ! Le symbole de l'écotaxe est extrêmement lourd historiquement..."

 

Sur les contrats PPP : le pentagone à la Française, coût initial 745 millions d'euros, 4 milliards en 27 ans pour la location à verser par le ministère de la Défense... Le Grand stade de Lille a fait doubler l'endettement de la ville... Le principe des contrats PPP n'est pas bon ?

"Il est excellent !"

 

Pas pour le contribuable...

"Si, pour le contribuable ! Au lieu de payer tout de suite, des gens vous font une construction financière innovante qui va étaler le paiement pour la collectivité..."

Au bout du compte, on paie le double...

"Mais non ! Si le monde entier utilise PPP, si la Maire de Lille, si M. Rebsamen l'utilise pour ses tramways, c'est qu'il y a des raisons..."

Et des conséquences : la dérive des dépenses... La Cour des comptes pointe un endettement déraisonnable...

"Ce qui est vrai, c'est que, assez souvent, les PPP peuvent être utilisés comme le moyen indolore de réaliser des investissements aujourd'hui et de les faire payer plus tard, c'est au fond ce que fait l'Etat en finançant ses dépenses d'aujourd'hui à crédit."

C'est paradoxal avec la lutte pour réduire la dépense publique...

"Bien sûr. Vous dites : il ne faut pas faire de grand stade, pas faire de portiques... Je suis pour ! Je suis contre l'écotaxe, je l'ai toujours été. Mais les PPP sont extrêmement intéressants quand on veut innover. Pour du béton à crédit, pas besoin de PPP. Les Bretons ont raison de se révolter, leur révolte est celle de tous les Français."

Qui négocie les contrats ? Ca favorise les grandes entreprises ?

"Le premier PPP a été fait avec une PME ! Ça peut être utilisé à tous les niveaux. Mais la vérité, c'est que c'est compliqué de négocier un PPP, il faut du temps, trouver les PPP pour tel type d'activité, le partage des risques... Mais au final, ce n'est rien d'autre que le vieux régime des concessions ! Les gens sont en concurrence et l'Etat fait faire, et globalement c'est plutôt moins cher."

Qui a négocié ce fameux contrat écotaxe tellement contesté ?

"On ouvre un mauvais procès. Il y a eu une procédure tout à fait concurrentielle. Il y avait un consortium avec une entreprise dirigée par un ami du Président de la République, il a déposé un recours, il n'a pas eu le lot. Je pense a priori qu'il n'y a pas de problème. Je pense que la révolte fiscale derrière les PPP est profondément saine, les bretons donnent l'exemple. Si on donnait à la Bretagne la fiscalité de la Grande Bretagne, il n'y aurait pas de problème."