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SAISON 2013 - 2014, modifié à

Le ministre de l'Intérieur s'exprime sur l'intervention militaire de la France en Centrafrique et les menaces terroristes.

Manuel Valls, Ministre de l’Intérieur

Ses principales déclarations :  Pourquoi le Président prend t-il tant de risques en Centrafrique ? "La France a un rôle à jouer, une mission à accomplir. Cette mission, le Président l'a dit hier à Bangui, est une mission dangereuse mais indispensable pour éviter un carnage. Car les massacres avaient commencé depuis quelques jours. Les mêmes qui aujourd'hui s'interrogent et critiquent l'intervention de la France auraient été les mêmes à juste titre qui auraient critiqué la passivité de la France. Un nouveau Rwanda si la France n'était pas...  (Interrompu.)" L'opération n'est-elle pas mal engagée ?  "Au bout de quelques jours d'intervention, alors que la mission est encore aujourd'hui de sécuriser Bangui et de désarmer les groupes, cette mission est en cours, faisons confiance au professionnalisme de nos soldats et ayons de toute façon une pensée pour eux, qui aujourd'hui combattent, font un travail particulièrement difficile alors qu'ils ont perdu deux des leurs hier." Pouvez-vous nous dire si toutes les milices fanatisées et surarmées en ce moment à Bangui, au Mali ou ailleurs ne confirment pas la montée d'un islamisme radical prêt à tout en Afrique ? "Il y a un danger lié à l'islamisme radical en Afrique, ce qui a justifié l'intervention de la France au Mali, qui était en train de basculer, qui pouvait devenir un Etat terroriste. Ce sujet a été abordé lors du sommet entre la France et les Etats africains il y a quelques jours, je me suis rendu moi-même en Afrique il y a quelques semaines pour mettre en oeuvre les dispositifs nécessaires notamment en matière de renseignement et de formation pour lutter contre le terrorisme. Ce qui est en jeu en Centrafrique est d'une autre nature : c'est l'implosion d'un Etat, le risque de massacres, le danger humanitaire en question, ces milices et ces massacres en cours depuis plusieurs semaines. Je vous rappelle que la France a alerté la communauté internationale cet été : les ONG avaient fait part de leur très grande inquiétude, le Président s'était adressé aux Nations Unies en septembre, et la diplomatie Française avec le Président et Laurent Fabius ont fait en sorte qu'il y ait une résolution du Conseil de sécurité à l'unanimité, ce qui permet cette intervention de la France qui devra passer le relais à la force africaine." Cela ne nous expose pas plus que d'autres à des représailles jihadistes ? "La France est un grand pays qui est une puissance politique, diplomatique, militaire, économique, qui a donc un rôle à jouer. Nous sommes déjà exposés depuis des années à une menace : ce n'est pas en restant chez nous, en ne faisant rien, qu'on combat le terrorisme. L'engagement contre le terrorisme est un engagement qui nécessite des interventions. Encore une fois, cette intervention est d'une autre nature, il s'agissait d'éviter un véritable massacre, un bain de sang qui avait commencé. Le Président a eu raison, à l'occasion de ce déplacement fort pour nos armées, courageux : il est le chef de l'Etat, des armées, il est pleinement dans son rôle et moi je souhaite - je le dis car nous vivons dans un moment de doute, d'interrogation permanente - que la Nation se rassemble dans ces moments-là autour du Président, autour de nos armées. Ce n'est pas une petite opération politique qui est en cours, c'est l'intervention de nos soldats en Centrafrique."  Vous venez de créer 16 nouvelles ZSP. Vous allez donner des hommes et des moyens supplémentaires si vous avez de l'argent pour ça ? "C'est ce que nous avons fait. Entre 2007 et 2012, 13.700 postes de gendarmes et policiers ont été supprimés. Ce gouvernement, qui fait de la sécurité une priorité, a décidé de remplacer tous les départs à la retraite et de créer tous les ans 400 à 500 postes supplémentaires, alors que le budget du ministère de l'Intérieur et notamment des forces de sécurité était en baisse constante de 18% au cours des dernières années. Ce budget est en augmentation."  Le maire d'une petite commune d'Isère vient de voter une subvention pour payer l'essence à ses gendarmes... "Nous avons débloqué encore 131 millions d'euros il y a quelques jours pour permettre précisément aux gendarmes et policiers d'avoir les budgets de fonctionnement nécessaires. Nous sommes dans un moment difficile sur le plan budgétaire, je fais remarquer que le ministère de l'Intérieur est un budget prioritaire, et qui a les moyens pour mener ses missions." La France devient une zone de sécurité toute entière ? Tout le territoire sera atteint et gangrené ? Il n'y a que des priorités ! "Non... Il n'y a pas 80 villes ! La délinquance est présente dans les territoires urbains comme ruraux, cela nécessite une nouvelle méthode, une meilleure coordination entre forces de l'ordre et Justice, des moyens supplémentaires souvent en lien avec les municipalités pour s'attaquer aux phénomènes de délinquance là où ils sont le plus enracinés. C'est à dire les violences contre les personnes, les trafics de drogue et d'armes, les cambriolages... Bref, nous nous attaquons aux causes-même de la délinquance. Si nous avons la possibilité d'avoir des ZSP de nouveau, c'est parce que nous avons davantage de moyens pour nous attaquer à ces phénomènes." Qui est l'ennemi intérieur ? Contre qui ? "Contre tous ceux qui aujourd'hui s'en prennent à l'autorité de l'Etat. Les réseaux de trafiquants de drogue, ces réseaux de cambriolage qui dans les territoires urbains mais surtout les territoires ruraux sèment la terreur, et c'est évidemment aussi à Paris où nous avons créé une troisième ZSP à la demande de Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo, dans le 20ème arrondissement parce qu'il y a besoin de ces moyens supplémentaires."  "Le discours en matière de lutte contre la délinquance pour la sécurité de nos compatriotes s'illustre ici avec des faits concrets, des moyens supplémentaires, des ZSP... Alors que dans les ZSP que nous avons créées nous obtenons déjà des résultats : la délinquance baisse. C'est aujourd'hui ce message de confiance que je veux faire passer." La chambre criminelle de la Cour de cassation vient d'interdire toute géolocalisation si elle n'est pas validée par un juge d'instruction, des dizaines d'enquêtes sont bloquées. Que décidez-vous ? "Un texte va être présenté dans quelques jours au Conseil de ministres, soumis au début de l'année au Parlement pour faire face à ce vide juridique suite à la décision de la Cour de cassation. Il faut les moyens aux policiers et aux gendarmes pour lutter contre le crime organisé. Nous avons besoin de ces balises, de la géolocalisation dans le cadre de notre droit pour combattre le crime." Selon Medipart, le logiciel de géolocalisation Pergame, illégal, était utilisé par la PJ avec l'accord de votre directeur adjoint de cabinet. "C'est faux. Pendant quelques semaines, un dispositif qui n'était pas légal a été utilisé. Nous y avons mis fin." Le Monde révèle que le directeur de la PJ de Paris, Christian Flaesch a appelé Brice Hortefeux pour l'informer qu'il allait être entendu comme témoin. Scandale ou délit de sa part ? "Christian Flaesch est un grand flic, un très grand professionnel. Ca fait six ans et demi qu'il est à la tête de la PJ, il est par ailleurs normal qu'à un moment ou l'autre il soit remplacé." Assiste-t-on dans la hiérarchie policière à des manipulations, des règlements de compte pour permettre à tel ou tel peut-être plus proche de vous d'arriver au pouvoir ? "C'était pendant des années une certaine conception de la politisation de la police. Ce n'est évidemment absolument pas ma règle, c'est même une question d'éthique. Il faut choisir des hommes ou des femmes à la tête de la police ou de la gendarmerie qui aient d'abord les compétences. Christian Flaesch sera remplacé dans les heures ou les jours qui viennent. Je regrette qu'il ait commis cette faute, parce que c'est une faute de déontologie que d'avoir informé un ancien ministre de l'Intérieur dans les conditions que vous avez rappelé. Le choix est fait." Il parait que c'est une femme... "Vous confondez deux choses ! La direction centrale de la PJ, il y aura aujourd'hui une nomination en Conseil des ministres, et c'est au Conseil des ministres de procéder à cette nomination. Et puis la décision de changer le directeur de la PJ de la Préfecture de police de Paris, ce choix est fait mais ce n'est pas sur vos antennes, hélas, que je fais ces annonces." Marine Le Pen a dénoncé l'article 13 de la loi de programmation militaire. Elle affirme que l'Etat pourra écouter ce qui se dit sur internet sans le contrôle d'un juge...  "Il est cocasse de voir Marine Le Pen et l'extrême droite se préoccuper de nos libertés fondamentales. Si on suivait leur position, telle que je l'ai entendue, cela affaiblirait nos capacités de renseignement. Nous avons parlé de terrorisme, de trafic de drogue : nous avons besoin de moyens pour lutter contre ces phénomènes. Sur le fond, la loi de programmation militaire ne fait que reprendre un dispositif validé en 2006 par le Conseil Constitutionnel pour la lutte antiterroriste. Ce texte impose une autorisation préalable, délivrée par une autorité indépendante." Vous allez surveiller les citoyens plus facilement sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme ? "Vous connaissez la position de la France concernant l'espionnage dont nous aurions été victimes de la part des américains. Ce n'est pas pour reproduire les mêmes phénomènes chez nous ! En revanche, nous avons besoin de moyens modernes face au terrorisme, une délinquance qui elle épouse les nouveaux moyens technologiques. Nous avons besoin aussi de lutter avec des armes légales dans le cadre de notre droit. Croyez-moi : moi ministre de l'Intérieur, avec la volonté du Président et du Premier ministre de s'attaquer à ces phénomènes de délinquance, nous ne faiblirons jamais, nous utiliserons tous les moyens légaux pour lutter contre toutes les formes de violence." Moi ministre de l'Intérieur... "Non ! Ne vous laissez pas emporter. C'est une belle référence ! Saluons le Président et son courage." Vous confirmez donc que Mireille Ballestrazzi sera DCPJ ? "Attendons le Conseil des ministres !" Vous n'avez pas dit : une femme c'est possible ? "Une femme c'est possible ! Partout, parce que nous avons besoin de très grands policiers à la tête de la police, il y a des femmes de très grande qualité. Soyez patients."