Le Drian : "Il est urgent d'aborder les questions de Défense avec l'Europe"

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SAISON 2013 - 2014, modifié à

Le premier sommet européen consacré à la Défense depuis 5 ans se tient aujourd'hui et demain. "Il était temps", estime Jean-Yves Le Drian.

Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense

Ses principales déclarations :

 

Le gouvernement brésilien n'achètera pas de Rafale. C'est un vrai coup dur pour la France. Vous êtes déçu ?

"C'est une décision souveraine du Brésil ! Ca fait plusieurs années que le gouvernement Français, la société Dassault et d'autres partenaires expliquent aux brésiliens que le Rafale est un avion de très haute technologie qui pouvait répondre aux besoins du Brésil. Ils en ont décidé autrement, c'est leur libre responsabilité. Mais je fais remarquer deux choses : la première, c'est qu'au Brésil nous avons un partenariat de défense très important en cours, aussi important financièrement que le Rafale. En particulier la mise en œuvre d'une base navale et la construction de quatre sous-marins à Itaguai, qui se chiffre à plus de 6 milliards d'euros. On n'en parle pas assez mais ça marche !"

Ce n'est pas une stratégie de diversion ? Le Président était au Brésil pour emporter la décision auprès de Dilma Rousseff...

"Non, il y avait d'autres choses à faire au Brésil !"

Il y avait ça aussi...

"Oui, mais il y avait aussi le Scorpène, et là ça marche. Il y a par ailleurs avec le Brésil une bonne collaboration sur la construction d'hélicoptères Caracal : nous avons une relation de défense très significative avec ce pays, qui continuera. Et puis le Brésil, même si je dois décevoir les brésiliens, ce n'était pas et ce n'est pas la cible prioritaire du Rafale, nous avons d'autres prospects plus importants. Il y a l'Inde et le Golfe."

Vous êtes confiant quand vous voyez que personne ne veut du Rafale ? Il n'a jamais réussi à s'exporter ?

"Le Brésil n'était pas notre cible prioritaire : c'est la décision du Brésil, elle regarde les autorités de ce pays. Nous avons de bonnes raisons de croire que sur l'Inde et le Golfe il y aura bientôt des résultats."

Le Rafale est trop cher ?

"Non, le Rafale est un avion de haute technologie qui aujourd'hui est très compétitif par rapport aux missions que certains pays veulent lui donner."

C'est un échec économique et industriel pour la France...

"Non, vous êtes dans l'exagération ! La réalité, c'est qu'avec le Brésil nous avons des relations de défense très significatives qui montent à 6 ou 7 milliards de dollars, c'est très important et ça continuera. Il n'y a pas d'échec à cet égard ; il y a une déception sur une cible qui n'était pas la cible prioritaire."

Il faut poursuivre le programme Rafale coûte que coûte ?

"Bien sûr ! C'est un très bon avion ! La France en est très satisfaite, au Mali et ailleurs ! Cet avion fait preuve de ses capacités, ses performances, et le montrera dans d'autres prospects que nous avons aujourd'hui en exploitation et qui saurons j'en suis convaincu aboutir rapidement."

Aujourd'hui seule l'Armée Française prend des Rafale...

 

"Oui, et s'en porte bien !"

 

Premier sommet de la défense depuis cinq ans, il était temps. On attend des progrès concrets ?

"Oui, il était temps ! C'est d'ailleurs assez invraisemblable que, depuis cinq ans, les chefs d'Etats et de gouvernements de l'Union Européenne n'aient pas abordé les questions de défense. Ca montre l'urgence de les aborder ensemble. La France, dans la préparation de ce conseil Européen, a eu le souci de faire en sorte qu'il y ait des avancées concrètes, pragmatiques pour permettre d'avancer."

Deux mots seront donc prochainement à la mode : coopérer et mutualiser.

"Oui, et le faire très concrètement et non pas dans les discours ! Dans le domaine opérationnel : il y a une question de sécurité de nos approvisionnements maritimes, des routes maritimes. C'est vrai dans la corne d'Afrique, on a mené l'opération Atalante, une opération européenne qui marche bien. Ayons une stratégie de sécurisation de nos approches maritimes. Ça c'est pour aujourd'hui. Autre exemple : le Sahel. L'interrogation principale c'est la sécurisation des frontières. Est-ce que l'Europe peut agir avec les pays concernés pour mener des opérations de sécurisation ? Ça c'est du concret ! De la même manière, dans le domaine capacitaire : peut-on faire en sorte que nos moyens de transports soient mutualisés ? Des progrès vont sûrement être enregistrés, des progrès concrets, l'Europe de la défense se fera de manière pragmatique, pas théorique."

La France a acheté des drones d'observation aux américains, seuls avec les israéliens à en fabriquer. Vous aviez promis une dizaine de drones pour la fin 2014. On ne les verra pas dans le ciel européen ?

"Les drones dont nous avons fait l'acquisition seront en fonction en Sahel à la fin de cette année : c'est là leur principale mission. Les deux premiers sont arrivés et seront en exploitation. Au niveau européen, est-il normal que les européens qui ont tant de technologies dans l'avionique ne soient pas capables de produire eux-mêmes un drone de nouvelle génération ? Ma réponse est non. Peut-on se mettre ensemble pour produire ces nouvelles machines pour l'horizon 2022-2023 mais on commence maintenant ? J'espère que la réponse sera oui."

Vous rentrez de Bangui. Les milices chrétiennes et musulmanes acceptent d'être cantonnées et désarmées ?

"Depuis que nous sommes là, avec les forces africaines qui jouent un rôle tout à fait significatif, on a pu constater une baisse de la tension. Je suis frappé de la qualité des autorités religieuses là-bas : que ce soit l'imam de la conférence islamique, l'archevêque ou le président de la conférence évangélique... Ils appellent au calme et à la sérénité, font en sorte que leurs représentants dans les quartiers fixent une population dans la sérénité. Cela aide beaucoup les forces Françaises qui font un travail très difficile."

 

Des pays européens vont parait-il déployer des soldats en Centrafrique... On dit que les Belges promettent 150. Vous confirmez ?

"Je ne confirme rien tant que les gouvernements ne se sont pas exprimés."

 

Qui souhaiteriez-vous ?

"Le maximum. Pour le moment, nous avons un soutien logistique et j'espère que nous aurons un soutien au sol. Ca permettra en particulier d'accélérer notre pénétration dans les autres villes de Centrafrique."

Quelle sera la mission au sol de ceux qui viendraient ?

"Nous aider à poursuivre ce que j'appelle le désarmement impartial, et nous aider à protéger l'aéroport de M'Poko où nous sommes basés et où il y a beaucoup de réfugiés."

On a dit que les Français resteraient 6 mois et maintenant "le temps qu'il faut"...

"Ça ne fait que quinze jours ! Quand on commence une opération, on ne fixe pas la date de fermeture, ce ne serait pas sérieux de la part d'un ministre de la Défense ! On a dit : "le périmètre est d'environ 6 mois". On verra si c'est 5 ou 7 mois..."

 

Au Mali, pas encore pacifié : confirmez-vous que des chefs exécutants d'AQMI ont été arrêtés ?

"Il y a encore quelques poches dont nous nous occupons... Oui, nous avons mené des opérations de contre-terrorisme qui ont donné des résultats les jours derniers."

Une dizaine de chefs terroristes ?

"Pas tous des chefs. Nous avons agi et continuons à agir pour éradiquer toute trace liée à AQMI en particulier."

Vous êtes sur la trace de Mokhtar Belmokhtar ?

"Il y a Mokhtar Belmokhtar, à l'origine aussi de l'attentat en Algérie, et il y a d'autres groupes... Ils vont, ils viennent, ils se rassemblent, se dispersent : il faut les suivre de près. C'est le rôle que nous confions à nos forces pour 2014 puisque nous gardons un millier de soldats au Mali : leur mission principale désormais est le contre-terrorisme."

Pour les fêtes de fin d'année, combien de soldats en opex ?

"Si on compte toutes les opérations extérieures où la France est présente, environ 8.000 soldats aujourd'hui. Liban, Mali, Côte d'Ivoire, Centrafrique... Ça fait du monde. J'irai les voir, comme chaque année."