Lang : "Mandela est fidèle à son image de paix et de sagesse"

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SAISON 2012 - 2013, modifié à

Pour Jack Lang, Nelson Mandela était quelqu'un de malin qui a échappé à la potence grâce à ses paroles.

Ce matin à 8h20, Europe 1 recevait Jack Lang, président de l'Institut du monde arabe, ancien ministre. Ses principales déclarations :

Est-ce l'IMA, Institut du monde arabe, qui vous réduit pratiquement au silence ?

"Je travaille beaucoup ! Je me dédie totalement la résurrection de cet institut. Le moment viendra où je m'exprimerai à nouveau très librement, mais il faut d'abord travailler, transformer, préparer des programmes qui j'espère vous plairont !"

A propos de Nelson Mandela :

"C'était un malin ! Il ne faut pas croire qu'il était une sorte d'idéaliste un peu naïf ! Il était très malin, très habile, et en même temps habité par un certain nombre d'idées simples : la volonté de créer une nation arc-en-ciel et, dans toute la période de combat et de résistance, le respect de la vie humaine. Une chose extrêmement importante : jamais il n'a accepté que l'on porte atteinte à la vie de l'adversaire."

Même s'il a commis dans sa jeunesse des actes terroristes :

"Pas exactement... Il a accompli des sabotages, il a encouragé un moment donné les sabotages contre des trains, des immeubles administratifs, mais jamais des atteintes aux personnes."

27 ans de prison et à la sortie une volonté de réconciliation interraciale...

"C'est fantastique, c'est un autre élément qui surprend, beaucoup de dirigeants sortant de la résistance répriment les adversaires d'hier. Dans ce cas précis, presque unique, Mandela dit à ses adversaires : "Je vous tends la main, nous allons créer une nation unie et nous allons, à travers cette fameuse Commission de la vérité et de réconciliation présidée par Mgr Tutu, chacun va dire ses crimes, les avouer, les reconnaitre..."

Après Gandhi, il y a déjà un message du Saint laïc Mandela...

"Oui, de l'homme qui est fidèle en permanence à son idéal de sagesse, de respect, de culture aussi. C'était un homme profondément cultivé. Et de paix ! Il aura renoncé au pouvoir dès lors qu'il n'était plus en mesure de l'exercer, il n'a été président qu'une fois !"

"Une phrase résume son courage : à la fin de son procès qui l'a conduit aux travaux forcés, il aurait dû être exécuté... A la fin de sa plaidoirie, il dit : "Mon idéal est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir !" Cette phrase très courageuse lui a probablement permis d'échapper à la potence..."

La non-violence n'est pas ce qui se passe dans les pays arabes... Peut-on dissocier la culture de la politique et la religion de la culture ?

"Des métamorphoses se produisent, tout n'est pas simple tous les jours, on ne construit pas une démocratie en appuyant sur un bouton... Pour avoir la chance de visiter un certain nombre de pays, je veux vous dire que, partout, même dans les pays qui paraissent les plus fermés, la carapace craque :  la jeunesse veut s'exprimer, les artistes réussissent, de manière plus ou moins clandestine, à exister, et puis il y a des pays où il y a une effervescence voulue, assumée, je pense aux pays du Maghreb, à ce qui passe dans les émirats..."

22 pays à l'IMA, qui doivent parler la langue arabe :

"C'est leur point commun, leur trésor commun c'est la langue arabe. Mais ils ont aussi leurs histoires particulières, leurs régimes politiques, leurs systèmes..."

Partout ils font face à des salafistes, à des milices, des bandits, comment échapper à un certain fascisme religieux dans certains pays ?

"Certains réussissent ! Prenez le Maroc, par la nouvelle Constitution qui reconnait la diversité des héritages du Maroc, le roi et son gouvernement ont réussi à établir... [Interrompu.] C'est par l'exception que l'on fait avancer les choses."

La Syrie...

"C'est à l'opposé ! Malheureusement ce terrible, terrible, écrasement ! Cette terrible guerre infligée par ce dictateur !"

Vous allez accompagner François Hollande au Qatar. Peut-on traiter avec ces pays et défendre les droits de l'homme... et de la femme ?

"Absolument ! Je l'ai fait à plusieurs reprises depuis mon arrivée, c'est clair. Le président de l'IMA est un français, un français qui n'a pas sa langue dans sa poche, qui dit les choses publiquement ou directement aux dirigeants."

 

Vous dites aux dirigeants que les femmes doivent pouvoir conduire leur voiture en Arabie Saoudite ?

"On pose des questions sur toute une série de sujets, c'est une façon de faire bouger les choses. A Doha récemment, un problème sur l'emprisonnement d'un poète, la question a été posée..."

Cette semaine, Paris, la France, Lille vont rendre hommage à Pierre Mauroy. On en fait l'auteur de tous les projets de la Mitterrandie ? C'est vrai ou il faut nuancer ?

"Disons qu'il a été le chef d'orchestre de la 1ère période de la présidence François Mitterrand. Un chef d'orchestre volontaire, battant, enthousiaste, exigeant de nous un travail permanant, quotidien et des transformations profondes ! Nous voulions marquer une vraie rupture avec le régime passé. Mais il y a des réformes qui s'attachent peut-être plus à son nom : la décentralisation en particulier, que j'appelerais plutôt la révolution des provinces de France ! Nous sortions de siècles de centralisation. Pierre Mauroy est un des hommes, avec Gaston Defferre, François Mitterrand naturellement y était favorable, qui a de toute son âme, tout son cœur, procédé à cette métamorphose du paysage provincial français."

Pierre Mauroy avait choisi le réalisme et l'Europe. Jean-Marc Ayrault doit-il en faire autant ?

"Jean-Marc Ayrault est réaliste ! Il faut l'être quand on gouverne... Il est très européen, il le sera de plus en plus je pense... On sait aujourd'hui, on le découvrira peut-être à l'occasion du sommet européen, que c'est par une Europe favorable aux investissements, à l'économie, que l'on s'en sortira !"

Quels conseils donneriez-vous à propos de la réforme des retraites ? Louvoyer, différer, y aller à fond ?

"Je n'ai pas l'impression que le gouvernement louvoie. Je crois que le dossier a été mis sur la table et qu'il va être abordé avec réalisme et esprit de justice."

Vous êtes optimiste...

"Je suis toujours optimiste, vous savez !"