Lampedusa : "Symbole d'une Europe que nous ne voulons pas voir"

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SAISON 2013 - 2014, modifié à

La commissaire européenne chargée des affaires intérieures est indignée par le drame de Lampedusa. L'Europe doit solutionner ce problème de l'immigration.

Cécilia Malmström, Commissaire européenne chargée des Affaires intérieures

Ses principales déclarations :

 

Quel a été votre sentiment devant les cercueils alignés à Lampedusa ? Rage, colère, peur que ça recommence ou honte ?

"Tout ça, et beaucoup de peine, de souffrance. Etre devant tous ces cercueils, comment décrire le sentiment ? C'est épouvantable. C'est une Europe que nous ne voulons pas voir. Je crois que cette image restera toujours avec moi."

Qui réclame les morts ?

"Ils ont des familles en Erythrée surtout mais aussi en Somalie. Les victimes identifiées, on va essayer de les renvoyer sur leurs terres, avec leurs familles. Mais beaucoup n'ont pas pu être identifiés : ils viennent sans papiers, seuls, ils se détruisent parfois les doigts pour ne pas entrer dans les bases d'empreintes, tout le monde ne pourra pas être renvoyé. Les autorités italiennes sont occupées à trouver une solution..."

Ces morts seront-ils rapatriés dans leur pays, l'Erythrée ? Ils en ont le droit...

"Ca reste à voir, ces gens ont fuit l'Erythrée qui n'est certainement pas une démocratie..."

Comment convaincre cette dictature d'accueillir les corps ?

"Oui, pour ceux qui ont été identifiés, je sais que les autorités italiennes pour tout faire pour rendre cela possible..."

Vous avez vu et entendu la souffrance des survivants. Italie ou Europe vont-ils leur accorder l'asile ?

"J'espère que oui, ce sont des gens qui y ont droit. Il faut traiter les choses individuellement, mais ceux qui viennent d'Erythrée ne peuvent, normalement, être renvoyés et ont droit à l'asile. Donc bien sûr les gens de Lampedusa sont d'un courage extraordinaire, certains ont travaillé jour et nuit pour sauver les survivants et ont fait le maximum pour donner un accueil digne. Mais c'est une toute petite île qui a déjà vu beaucoup de morts, beaucoup d'autres gens qui viennent... C'est plus près de l'Afrique que de l'Italie..."

Pensez-vous que les flux migratoires vont continuer ?

"Oui, tant qu'il y aura des dictatures, des régimes autoritaires et la pauvreté en Afrique et au Moyen-Orient, les gens vont essayer de venir pour une nouvelle, une meilleure vie en Europe par exemple. Aujourd'hui, il y a très peu de moyens légaux de venir en Europe, c'est une des raisons des catastrophes ! Il faudra regarder comment on peut faciliter pour ceux qui demandent l'asile, les réfugiés, par exemple par la réintégration avec coopération Nations Unies ou s'il est possible d'ouvrir quelques voies légales avec des visas humanitaires..."

Vous dites que pour réduire l'immigration illégale, il faut accepter plus d'immigration régulière légale...

"Il faut plusieurs choses. Renforcer les opérations Frontex, nous avons proposé au Conseil d'avoir une grande opération dans toute la Méditerranée, de l'Espagne à Chypre, ça devrait se faire mais ça va coûter de l'argent, les Etats membres vont devoir nous donner de la ressource. Il faut aussi lutter contre les réseaux criminels qui profitent de la misère des gens, les mettent dans des bateaux dans des conditions inacceptables..."

Il faut lutter sur place, dans les pays d'où ils partent...

"Oui... Nous avons déjà une coopération au Maroc ou en Tunisie, mais bien sûr ce bateau vient de Libye, un pays très fragile, pas d'autorité, pas de partenaires. Le premier ministre vient d'être enlevé..."

Il faut encourager, accepter une part d'immigration légale...

 

"Oui. Il faudra que plusieurs Etats fassent plus ! Cinq pays de l'Union Européenne dont la France prennent 70% des réfugiés en Europe... 23 peuvent faire plus ! Il faut partager la responsabilité !"

Difficile avec tant d'hostilité, les mouvements populistes...

"C'est ça le problème ! Maintenant tout le monde est très occupé par la crise économique, tout le monde exprime sa solidarité avec l'Italie et Lampedusa mais il faut que cette émotion se transforme en action directe."

"Il faut faire plusieurs choses, à moyen terme et sur le long terme."

Lampedusa et immigrations seront au menu du sommet européen. C'est devenu une affaire de toute l'Europe !

"Oui ! Il faut faire beaucoup de choses ! Lutter contre les réseaux criminels, il faut plus de coopération frontalière et ouvrir certainement un certain nombre de voies légales pour venir en Europe, pour éviter ces catastrophes."