Une révolution, pas un coup d’État militaire

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SAISON 2012 - 2013, modifié à

Selon Antoine Basbous, ce n'est pas seulement l'armée qui a pris le pouvoir en Égypte. Le peuple a endossé le premier rôle dans cette révolution.

Les principales déclarations de Sébastien Krebs, envoyé spécial d'Europe 1, en direct du Caire, et Antoine Basbous, directeur de l’Observatoire des pays arabes :

Sébastien Krebs : "En une de la presse égyptienne, des images très impressionnantes de la place Tahrir, la foule immense, les feux d'artifice. "Le régime s'écroule, Tahrir a tenu tête" en une du Progrès Egyptien. "La jeunesse a été la clé"... On voit la joie sur tous les regards, des pages entières de photos, les images de la déclaration de Al-Sissi, "Tous les yeux tournés vers le général"... Le journal de la place Tahrir adresse un message en une, en rouge, en anglais, pour Obama : "Ce n'est pas un coup d'état, c'est une révolution !" Il y a aussi les journaux qui étaient contre la révolution, les organes de presse du gouvernement, qui titrent : "La légitimité de la Constitution n'est plus" Ce qui amuse beaucoup les vendeurs de journaux, c'est que ces journaux ont un peu changé de camp au cours de la nuit, ils titrent maintenant que la fin des Frères musulmans va permettre de commencer une nouvelle Egypte..."

L'armée a pris le pouvoir ?

Antoine Basbous : "Pas seulement l'armée ! L'armée et le peuple ! Celui qui était en première ligne, c'est le peuple, et massivement. En général, les coups d'état, c'est à 4 heures du matin, les généraux investissent le ministère de l'information, un communiqué à la main. Ce n'est pas le cas ! Le peuple par millions est descendu dans la rue, l'armée a donné le coup de pouce : les fondamentaux de l'Egypte étaient menacés, il n'y avait plus que deux mois d'importations dans les caisses. Le sectarisme des Frères musulmans les a isolés, même de leurs meilleurs alliés."

La place Tahrir est encore occupée ce matin ?

Sébastien Krebs : "Il y a toujours des gens qui y passent la nuit complète, mais il y a beaucoup moins de monde qu'hier ! La foule débordait partout sur les avenues, les ponts, une pagaille incroyable même si c'est resté festif et sans incidents. Et ce silence incroyable au moment de l'annonce, et cette explosion de joie en apprenant que Morsi n'était plus président, tous avaient le sentiment de vivre un jour historique, certains disaient qu'il y avait plus de monde en 2011 et avaient du mal à croire que tout s'est fait aussi vite. Ils se préparaient à plusieurs semaines sur la place, quitte à passer le Ramadan place Tahrir."

Obama est inquiet, a t-il raison ?

Antoine Basbous : "Les chancelleries occidentales ne peuvent pas cautionner le renversement d'un président élu au suffrage universel, parce que ça peut annoncer d'autres changements ! Mais Morsi a été extrêmement médiocre, il s'est isolé, l'économie égyptienne s'est effondrée... Il y avait un problème. Après le maréchal Tantaoui, 18 mois médiocre, et Morsi, une année pas réussie, une troisième aventure démarre..."

A propos du général Al-Sissi :

Antoine Basbous : "Il a fait l'école de guerre aux Etats-Unis, a dirigé les renseignements militaires jusqu'à sa nomination à la tête du ministère de la Défense et comme commandant en chef de l'armée. Il connait les secrets de l'Egypte, les secrets des Frères Musulmans, un homme froid, déterminé. On l'a vu le 27 juin dernier, obligé de venir écouter le Président : il était stoïque, n'a pas applaudi, pas souri. Quand le Président a dit que l'armée est à ses ordres, il n'y a eu aucun signal sur son visage."

Peut-il y avoir contagion de ce qui s'est passé en Egypte ?

Antoine Basbous : "L'initiative de cette révolution, c'était les tunisiens. Aujourd'hui, l'onde de choc égyptienne peut se répercuter ailleurs. L’Egypte est aux frontières de Gaza : le Hamas à Gaza, ce sont les petits frères des Frères musulmans égyptiens. C'est pourquoi l'armée égyptienne a bouclé la frontière, fermé les tunnels entre le Sinaï et Gaza par peur que le Hamas n'envoie des renforts au Caire pour soutenir les Frères musulmans. Une autre frontière plus dangereuse : celle de la Libye, 2.000km de désert avec des milices islamistes qui peuvent venir au secours des Frères musulmans égyptiens..."