Vu de l’étranger, Sarkozy a perdu

Déjà irritée par les sorties de Nicolas Sarkozy contre l'UE, la presse étrangère est encore plus sévère avec le candidat UMP malmené par les sondages.
Déjà irritée par les sorties de Nicolas Sarkozy contre l'UE, la presse étrangère est encore plus sévère avec le candidat UMP malmené par les sondages. © DR
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REVUE DU WEB - Europe1.fr a consulté la presse étrangère, plutôt sévère envers Sarkozy.
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© TIME MAGAZINE

La Une de l’édition européenne du magazine Time avait déjà donné le ton début avril : une couverture noir présentant Nicolas Sarkozy à côté d’un laconique ‘Adieu ?’. La presse étrangère a-t-elle changé d’avis deux semaines plus tard ?  Pas vraiment et c’est même pire, tant les principaux quotidiens d’informations qui suivent l’élection présidentielle française semblent unanimes. Qu’ils soient plutôt conservateurs ou libéraux, d’Europe du Nord ou du Sud, le constat est le même : le président sortant est donné perdant.

"On se dirige vers un changement de pouvoir"

"Pour Nicolas Sarkozy, l’air se raréfie toujours plus", écrit jeudi l’hebdomadaire allemand Der Spiegel. "Tout semble indiquer qu’on se dirige vers un changement de pouvoir en France", débute l’article, avant d’évoquer les derniers sondages, de plus en plus défavorables au président sortant.

"En ces derniers jours de campagne présidentielle, la pluie s’abat sur Paris et la grêle sur Sarkozy", renchérit le quotidien italien La Stampa, avant de souligner que l’écart grandissant dans les sondages entre le candidat UMP et François Hollande laisse augurer une ‘humiliation’. Le Corriere della Serra s’inscrit dans la même veine avec un article en une de son édition de jeudi intitulé "Sarkozy (chute) à pic dans les sondages".

"Le président plonge dans les sondages", renchérit jeudi le quotidien espagnol El Pais. "A quatre jour du premier tour, les mauvaises nouvelles s’accumulent autour de Nicolas Sarkozy, suscitant la sensation que le candidat et le système qu’on a baptisé Sarkozysme se dissolvent comme un morceau de sucre (dans l’eau)".

Deux tactiques : zapette vs. somnifère

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© FAZ

Le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeintung tente de décrypter cette mauvaise passe et souligne un paradoxe. "En tant que candidat, Nicolas Sarkozy est une ‘exception française’ (en français). Les prédécesseurs de Sarkozy à la tête de l’Etat qui se sont présentés pour un second mandat ont toujours bénéficié du bonus présidentiel". Et le quotidien de rappeler que même Valéry Giscard d’Estaing était donné favori en 1981.

Le candidat UMP tente donc tout pour remonter la pente, ce qui inspire au quotidien allemand Die Welt une métaphore footbalistique. Dans un article intitulé "Sarkozy vs. Hollande : zapette vs somnifère", le journal estime que Nicolas Sarkozy tente de remonter la balle alors que François Hollande "se repose maintenant sur le catenaccio", la célèbre tactique italienne qui consiste à tout miser sur la défense. Résultat, "les deux candidat évitent les sujets sérieux", regrette Die Welt.

"La France fatiguée de Nicolas Sarkozy"

Dans un éditorial publié mercredi et intitulé "Les élections françaises à la sauce hollandaise", The Guardian est du même avis. "Le plus grand paradoxe de cette campagne est que, malgré son importance reconnue de tous, elle a été ennuyeuse. Aucun des deux candidats favoris n’a brillé", écrivent nos confrères britanniques.

Néanmoins, "jusqu’à présent, Hollande n’a pas commis de faux pas et reste en course pour la présidence", estime mercredi The Guardian, avant de se pencher sur le cas Sarkozy : "aujourd’hui, les talents de communicant de Sarkozy ne font plus effet. C’est un prestidigitateur qui a disparu à travers sa boîte à magie".

Le sarkozysme, "avatar du berlusconisme"

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© INTERNATIONAL HERALD TRIBUNE

Le contraste entre le candidat Sarkozy version 2007 et l’édition 2012 intrigue d’ailleurs de nombreux journaux, dont le International Herald Tribune (cf dessin). "Dans la course à l’élection, le président en exercice a essayé de renouveler en se présentant comme un "homme du peuple", ‘en dehors du système’, bien qu’il ait dirigé la France au cours des cinq dernières années", écrit toujours The Guardian.

Et le quotidien de rappeler son surnom le plus utilisé : le "président des riches", avant d’ajouter : "les électeurs ont réalisé que le président n’avait pas le ‘sens de l’Etat’. Sarkozy n’incarne pas les institutions avec rigueur et sérieux. Le sarkozysme peut être considéré comme un avatar du berlusconisme".

La chasse aux voix frontistes inquiète

Constatant que la "campagne (de Nicolas Sarkozy) pour sa réélection semble avoir calé avant même le premier tour", le Financial Time juge que la tendance actuelle "place le candidat sortant face à un dilemme : il a besoin de reconquérir à la fois les électeurs de Madame Le Pen et ceux de Monsieur Bayrou".

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© WALL STREET JOURNAL

C’est l’opération séduction en direction des électeurs frontistes qui préoccupe surtout les médias étrangers. Le Wall Street journal avait déjà fait sensation vendredi dernier avec un article ‘opinion’ intitulé… "Nicolas Le Pen". Le quotidien économique y fustigeait le "cynisme" du président, dont la récente "poussée de xénophobie" vise à draguer les électeurs tentés par le vote Front National. "Même en France, on s’est rarement montré aussi cynique", s’insurge le quotidien économique.

"Un lamentable précédent : le succès d’un ‘front du rejet’"

Le quotidien américain The New York Times est tout aussi inquiet et fustige ce "populisme" en vogue. "L’élection de dimanche en France ne désignera pas le prochain président mais elle constituera surtout un lamentable précédent : le succès d’un "front du rejet" combinant les peu réjouissant extrême-gauche et extrême-droite".

"Si ce "front du rejet" rencontre le succès que lui prédisent la plupart des sondages, la France aura légitimé deux courants qui dédaignent des solutions sérieuses aux problèmes de la France, négligent la politesse et le bon-sens", s’inquiète le quotidien new-yorkais. En draguant ces deux électorats "par des manœuvres complaisantes, Sarkozy et Hollande ont abaissé la stature d’hommes politiques responsables en France".