Venezuela : les enjeux de l'élection d'une Assemblée constituante

Les anti-Maduro manifestent quasiment chaque jour depuis quatre mois contre les dérives autoritaires du président.
Les anti-Maduro manifestent quasiment chaque jour depuis quatre mois contre les dérives autoritaires du président. © RONALDO SCHEMIDT / AFP
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M.Be avec agences , modifié à
Les Vénézuéliens sont appelés à élire dimanche une Assemblée constituante, vivement contestée par l'opposition, qui sera chargée de réécrire une Constitution à la faveur du président Nicolas Maduro.

Les opposants au président vénézuélien ont de nouveau bloqué les rues de Caracas samedi, dans un ultime effort pour empêcher la tenue de l'élection d'une Assemblée constituante dimanche, dont ils redoutent qu'elle n'offre les pleins pouvoirs au président Nicolas Maduro. Cette mobilisation a toutefois été moins suivie que les manifestations de cette semaine, dont certaines se sont révélées meurtrières.

Le scrutin de dimanche faisant craindre de nouvelles violences, plus de 230.000 militaires seront déployés dans le pays pour protéger les lieux de vote. Les chefs de l'opposition ont appelé leurs partisans à braver l'interdiction de manifester, imposée par les autorités, dimanche dans la capitale, et à ériger des barricades dans tout le pays. Si ce projet de Constituante est présenté par le pouvoir comme un moyen de sortir le pays de la crise, l'opposition y voit une parade pour s'arroger les pleins pouvoirs. Europe1.fr fait le point sur ce scrutin annoncé sous haute tension.

Pourquoi le Venezuela vote dimanche ?

Les Vénézuéliens sont appelés aux urnes dimanche pour l'élection d'une Assemblée constituante. Cette Assemblée sera chargée de rédiger une nouvelle Constitution, voulue par le président Nicolas Maduro. Elle aura également le pouvoir de dissoudre toutes les autres institutions, dont le Parlement monocaméral où l'opposition est majoritaire, et de réécrire la loi fondamentale. L'objectif affiché du pouvoir est de mettre fin à ce qu'il appelle une "insurrection armée", assurant que cette future Assemblée est le meilleur moyen d'apaiser ce pays de 30 millions d'habitants, ébranlé par une profonde crise politique, économique et sociale.

Le Conseil électoral national a assoupli les possibilités de voter, permettant aux électeurs de se présenter dans n'importe quel bureau de leur commune. La nouvelle Assemblée, dont la durée du mandat n'est pas définie, doit compter 545 membres élus selon un système combinant un vote territorial et par catégories socio-professionnelles, ce qui paraît devoir garantir une majorité au gouvernement. Ce système pourrait permettre à 62% des 19,8 millions d'électeurs de voter au moins deux fois, soulevant des interrogations sur la validité du résultat et des chiffres de participation, et alors qu'aucun observateur étranger ne sera présent.

Que conteste l'opposition ?

Aucun des 6.120 candidats qui briguent les 545 sièges de l'Assemblée constituante n'appartient à l'opposition, qui boycotte le scrutin. "Je n'irai pas voter demain", explique par ailleurs Margarita Lopez, une aide-soignante présente samedi sur une barricade à Caracas. "Je resterai à la maison, je regarderai des séries à la télévision et bien sûr je rejoindrai les manifestations. Ce ne servira sans doute à rien, mais nos voix doivent être entendues." Lors d'un référendum symbolique organisé le 16 juillet, l'opposition avait vu 7,6 millions de Vénézuéliens s'exprimer contre le projet de Constituante. De même, quelque 70% des Vénézuéliens sont opposés à la Constituante, selon l'institut de sondage Datanalisis.

Ce scrutin est jugé "illégitime" par la coalition de l'opposition Table pour l'unité démocratique (MUD), qui y voit une dernière étape avant la mise en place d'une dictature. Les opposants accusent le président socialiste de vouloir étendre son pouvoir, prolonger son mandat (censé s'achever en 2019) et se cramponner ainsi au pouvoir en contournant le Parlement et l'élection présidentielle prévue fin 2018. Un appel à protester a déjà été étendu à la semaine prochaine, et les anti-Maduro demandent inlassablement la démission du président. Face à la détermination de l'opposition, Nicolas Maduro a martelé vendredi qu'il ne cédera pas sur ce projet de Constituante.

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©ANELLA RETA, GUSTAVO IZUS, NICOLAS RAMALLO / AFP

Quatre mois de manifestations meurtrières
Les opposants au gouvernement manifestent quasiment chaque jour depuis quatre mois, quand le 29 mars, la Cour suprême, contrôlée par le gouvernement, s'est appropriée les prérogatives du Parlement, où l'opposition est majoritaire depuis 2015, permettant ainsi au régime de concentrer tous les pouvoirs : exécutif, militaire, judiciaire et législatif. Les nombreuses manifestations, émaillées de violences, ont fait plus de 110 morts à ce jour. Face à ces tensions, les Nations unies ont lancé un appel a calme, les familles de diplomates américains ont été invitées à quitter le pays et de nombreuses compagnies aériennes dont Air France ont suspendu leurs vols vers Caracas.