Irak : l'Etat islamique détruit la cité antique de Hatra

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Noémi Marois avec AFP , modifié à
PATRIMOINE - Les djihadistes, après avoir détruit jeudi Nimroud, s'en sont pris samedi à un autre site archéologique irakien.

Une semaine après avoir détruit des sculptures antiques d'un musée de Mossoul, les djihadistes poursuivent leur oeuvre de destruction. Ils ont commencé jeudi à raser les restes de la cité irakienne antique de Nimroud, située au sud-est de Mossoul. L'Unesco a dénoncé dans cette action un "crime de guerre". Samedi, l'organisation Etat islamique s'en est pris à Hatra, autre vestige de cité antique, situé à une centaine de kilomètres de Mossoul. 

Nimroud passée au bulldozer. L'organisation Etat islamique a "pris d'assaut la cité historique de Nimroud et a commencé à la détruire avec des bulldozers", a annoncé le ministère du Tourisme et des Antiquités sur son compte Facebbok. Selon un responsable local, les destructions ont débuté jeudi après la prière de la mi-journée. "Jusqu'à présent, nous ne pouvons pas mesurer l'ampleur des dégâts", a dit ce responsable qui souhaite rester anonyme. 

Samir Abdulac, directeur d'Icomos, une ONG spécialisée dans la sauvegarde des sites archéologiques, confie son désarroi à Europe 1 : "C'est une perte de patrimoine désolante et le sentiment décourageant d'être confronté à une bêtise insondable". Il dénonce une "espèce de surenchère qui a commencé au niveau humain avec des décapitations en direct". 

Une statue de Nimroud, début des années 2000 : 

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© KARIM SAHIB / AFP

        

Le site archéologique visé par l'organisation Etat islamique contient les ruines de Nimroud, cité antique fondée au 13e siècle avant l'ère chrétienne. Située sur une falaise surplombant le Tigre à une trentaine de kilomètres de Mossoul, Nimroud a été une des capitales de l'empire assyrien et constitue, avec ses 360 hectares, une des plus grandes villes anciennes connues. Les archéologues y avaient découvert les restes de plusieurs palais royaux, de temples, de tombes ainsi que de nombreux bas-reliefs et statues.

Au tour d'Hatra. Les craintes des archéologues se sont réalisées. Ils avaient fait part de leur crainte au sujet de Nimroud mais aussi de Hatra, autre cité antique inscrite au Patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1985. Cette dernière, créée il y a 2.000 ans et située à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Mossoul, a été attaquée par l'organisation Etat islamique samedi, a annoncé le ministère irakien du Tourisme et des Antiquités, sans qu'aucune photo vienne valider ces déclarations. 

Des habitants du secteur ont, dès samedi matin, entendu des explosions sur le site. Les djihadistes auraient fait sauté à l'explosif les bâtiments principaux et rasé d'autres au bulldozer.

L'Unesco a dénoncé dans un communiqué cette nouvelle "destruction" qui "marque un tournant dans l'effroyable stratégie de nettoyage cultuel en cours en Irak". 

Source d’idolâtrie selon les djihadistes. L'organisation Etat islamique estime que les statues doivent être détruites car elles représentent des sources d’idolâtrie. Les djihadistes justifient leur position par une réalité historique. Au 7e siècle, lors de la prise de la ville de La Mecque par ses troupes, Mohamed, le fondateur de l'islam, avait ordonné la destruction des statues qui trônaient à la Kaaba et faisaient alors l'objet d'un culte intense. 

Mais l'avis des djihadistes est aujourd'hui extrêmement marginal dans le monde musulman, même chez les religieux les plus traditionnels. Selon ces derniers en effet, si les statues représentaient bien des idoles du temps de leur prophète, elles font désormais partie du patrimoine.

Détruire… mais aussi se faire de l'argent. Mais les bulldozers n'étaient pas seuls présents à Nimroud. Des camions auraient également été aperçus sur le site, sans doute pour dérober des pièces archéologiques. Si les djihadistes souhaitent choquer les esprits avec leurs destructions, il leur faut aussi assurer le financement de leur armée et de leur administration. Selon le Guardian, l'organisation Etat islamique aurait empoché en tout 36 millions de dollars dans une seule province syrienne en vendant des objets vieux de plusieurs millénaires. Leur méthode ? Ils autoriseraient les habitants à faire des fouilles, puis prélèveraient une taxe sur les sommes rapportées par la vente. 

Regardez en vidéo une reconstitution d'un palais royal de Nimroud, par le musée métropolitain de New-York : 

 
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