Un Nobel de la Paix sans Liu Xiaobo

© REUTERS
  • Copié
avec AFP , modifié à
La cérémonie de remise du prix Nobel de la Paix a eu lieu à Oslo sans son lauréat, détenu à Pékin.

Pour la seconde fois seulement de l’histoire du prix Nobel de la Paix, la prestigieuse récompense n'a pas été remise à un récipiendaire. La cérémonie de remise symbolique a eu lieu vendredi à Oslo sans le lauréat, le dissident chinois Liu Xiaobo, toujours détenu dans les geôles chinoises.

En son absence, une chaise vide, un portrait géant de Liu Xiaobo souriant et un de ses textes lu par l'actrice norvégienne Liv Ullmann ont représenté le lauréat. "Liu n'a fait qu'exercer ses droits civiques. Il n'a rien fait de mal. Il doit être libéré", a déclaré le président du comité, Thorbjoern Jagland, avant de déposer symboliquement le diplôme et la médaille du prix Nobel de la paix sur la chaise vide. Le président américain Barack Obama et la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton lui ont fait écho en réclamant la libération immédiate du dissident.

"Ames perdues"

Ancienne figure de proue du mouvement de Tiananmen en 1989, Liu Xiaobo a été condamné le jour de Noël 2009 à 11 ans de prison pour "subversion du pouvoir de l'Etat" après avoir corédigé la "Charte 08", un texte qui réclame une démocratisation de la Chine. Cet ex-professeur de 54 ans n'a pu non plus se faire représenter par son épouse, Liu Xia, en résidence surveillée depuis l'attribution du Nobel en octobre, ou par ses trois frères qui ne peuvent quitter le territoire chinois.

Le tout nouveau prix Nobel de la Paix a dédié sa récompense aux "âmes perdues" dans la répression de la révolte de la place Tiananmen en 1989, a dit le président du comité Nobel. Ce dernier a appelé à la libération de Liu Xiaobo et a déploré qu'aucun membre de sa famille n'ait été autorisé à se rendre à Oslo pour recevoir le prix en son nom. Dans l'Hôtel de ville fleuri d'Oslo où se tenait la cérémonie, le portrait géant du lauréat souriant trônait vendredi, deux ans jour pour jour après la publication de la Charte.

Près de vingt pays absents

Depuis l’annonce de l’attribution du prix Nobel de la paix, la Chine a essayé, en coulisses, de limiter l'impact de la cérémonie Nobel en créant son propre prix et en demandant aux autres pays de boycotter l'événement et en menaçant de "conséquences" les Etats qui soutiendraient le dissident. "Ce genre de théâtre politique ne fera jamais vaciller la détermination du peuple de Chine sur la route du socialisme aux caractéristiques chinoises", a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères dans un communiqué, évoquant une "mentalité de guerre froide". Les sites des médias étrangers et les mots "chaise vide" et "Oslo" ont été censurés sur internet vendredi.

La Russie, l'Afghanistan, l'Algérie, l'Arabie Saoudite, Cuba, l'Egypte, l'Irak, l'Iran, le Kazakhstan, le Maroc, le Pakistan, le Soudan, la Tunisie, le Venezuela, le Vietnam et l'Autorité palestinienne n'ont pas envoyé de représentants à la cérémonie, sur la foi des déclarations de l'Institut. "La Colombie, la Serbie, les Philippines et l'Ukraine, qui étaient sur la liste des non, seront finalement représentées", a déclaré le directeur de l'Institut, Geir Lundestad.

Les 45 autres à avoir été invités ont confirmé leur participation, notamment les membres de l'Union européenne, les Etats-Unis mais aussi le Japon, l'Inde, le Brésil ou encore la Corée du Sud. Les cinq autres prix Nobel 2010 ont également été remis vendredi à Stockholm pour les disciplines scientifiques (médecine, physique, chimie, économie) et pour la littérature, au Péruvien Mario Vargas Llosa.