L"agent triple" allemand travaillait pour la CIA… et la Russie

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Des policiers devant le tribunal de Munich. Image d'illustration. © ANDREAS GEBERT / DPA / AFP
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avec AFP , modifié à
Markus Reichel, arrêté en 2014, a livré à la CIA 200 documents contre rémunération. Il a été condamné à 8 ans de prison en Allemagne.

Il était poussé, dit-il, par un désir "d'aventure". Un ex-agent des services secrets allemands âgé de 32 ans a été condamné jeudi en Allemagne à huit de prison pour "haute trahison". Simple agent chargé du courrier aux archives du BND, Markus Reichel avait offert ses services à la fois à la CIA et la Russie. 

Un chargé de courrier qui se présente comme un "agent de renseignement". Pendant le procès, les procureurs ont dépeint un accusé mû par la cupidité et par un besoin démesuré de reconnaissance. "Il ment quand et sur ce qui l'arrange, tant qu'il peut en tirer profit". Lui justifie sa double trahison par une envie "d'aventure", de "vivre quelque chose de nouveau et d'excitant". Agent triple, Markus Reichel est aussi un jeune homme timide et légèrement handicapé, souffrant de troubles d'élocution depuis un problème de vaccination dans l'enfance. "Au BND, on me croyait capable de rien. A la CIA, c'était autre chose : là, on pouvait faire ses preuves", avait-il expliqué mi-novembre à l'ouverture de son procès. "Je mentirais si je disais que cela ne me plaisait pas".

Ce fils de la petite bourgeoisie est-allemande a passé son adolescence reclus devant son ordinateur. Au BND, où il entre en 2007, il est chargé du courrier et de la gestion des fichiers pour 1.200 euros net par mois, mais aime se présenter en "agent de renseignement" auprès de ses proches.

" "Vivre quelque chose de nouveau et d'excitant" "

De simples photocopies. Tout démarre à l'été 2008, lorsqu'il offre ses services par mail à l'ambassade des Etats-Unis à Berlin et se voit alors attribuer le nom de code "Uwe". Avec une désarmante facilité, il photocopie "au hasard" des documents du BND, dont l'identité de certains personnels et des informations sur les activités de l'agence, les empoche et les envoie de chez lui à son contact à la CIA, "Alex", par mail puis au moyen d'un programme sur un ordinateur portable fourni par les Américains.

200 documents remis à la CIA. Selon l'accusation, il a transmis jusqu'à son arrestation plus de 200 documents à la CIA, contre au moins 95.000 euros remis en liquide en Autriche. Les documents remis aux Américains comprenaient des informations sur les activités du BND et l'identité des membres du personnel chargé des archives, le service où il travaillait.

 

 

" "Comment ça ? C'est pour les Américains que je travaille" "

 

Les Russes aussi. Au printemps 2014, il désire "expérimenter quelque chose de nouveau" et adresse un mail non crypté au consulat général de Russie à Munich, avec trois documents en copie destinés au renseignement russe, pour proposer sa collaboration. Le message est cette fois intercepté par le BND et il est arrêté le 2 juillet 2014. Mais aux enquêteurs qui l'accusent d'espionnage pour la Russie, il répond d'abord, surpris: "Comment ça ? C'est pour les Américains que je travaille".

Contexte tendu. Son arrestation le 2 juillet 2014 avait suscité l'émoi dans une Allemagne déjà irritée par les révélations sur les écoutes d'un téléphone portable de la chancelière Angela Merkel par les services américains. Peu après, Berlin avait expulsé le chef de la CIA en Allemagne.