Turquie : les dirigeants du parti pro-kurde arrêtés, la France et l'UE inquiètes

Des manifestations en soutien aux parlementaires arrêtés ont donné lieu à des affrontements avec les forces de l'ordre.
Des manifestations en soutien aux parlementaires arrêtés ont donné lieu à des affrontements avec les forces de l'ordre. © ADEM ALTAN / AFP
  • Copié
avec AFP , modifié à
L'Union européenne, la France et l'Allemagne ont fait part de leurs préoccupations après le placement en garde à vue de plusieurs dirigeants du Parti démocratique des peuples.

Les coprésidents de la principale formation prokurde de Turquie, le Parti démocratique des peuples (HDP), ont été placés en garde à vue dans la nuit de jeudi à vendredi, a rapporté l'agence de presse progouvernementale Anadolu. Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag ont été interpellés dans le cadre d'une enquête "antiterroriste", selon Anadolu. Le HDP, troisième force au Parlement turc, est accusé par le président Recep Tayyip Erdogan d'être lié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation classée "terroriste" par Ankara.

Garde à vue de force. "Les policiers sont à la porte de mon domicile à Diyarbakir avec une décision de placement en garde à vue par la force", a déclaré Selahattin Demirtas sur Twitter peu avant son interpellation. Selon les chaînes d'information NTV et CNN-Türk, au moins sept autres députés du HDP ont également été placés en garde à vue et d'autres étaient visés par un mandat d'arrêt. Ce coup de filet nocturne intervient dans un contexte très tendu, notamment depuis le placement en détention des deux maires de Diyarbakir, "capitale" du sud-est à majorité kurde de la Turquie.

Pas d'immunité parlementaire. Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag, qui sont également députés, font l'objet de plusieurs enquêtes sur de présumés liens avec le PKK, mais ont assuré à plusieurs reprises qu'ils ne se rendraient pas de leur plein gré à une éventuelle convocation de la justice. En mai, le Parlement turc a voté la levée de l'immunité des députés menacés de poursuites judiciaires, une mesure contestée visant notamment les élus du HDP. 

Un attentat dans la foulée. Pendant leur audition à Diyarbakir, au moins huit personnes, dont deux policiers, ont été tuées et plus de 100 blessées par l'explosion d'un véhicule piégé devant un bâtiment de la police de la ville, une attaque attribuée par le Premier ministre Binali Yildirim au PKK. Le PKK, considéré par Ankara et ses alliés occidentaux comme un groupe terroriste, et l'armée turque ont rompu, à l'été 2015, un fragile cessez-le-feu et repris les hostilités, qui ont fait plus de 40.000 morts depuis 1984.

"La fin de la démocratie en Turquie". Les réactions à ce coup de filet n'ont pas tardé. "La nuit dernière, la purge menée par le président Recep Tayyip Erdogan contre notre parti a atteint de nouveaux sommets avec l'arrestation de nos coprésidents Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag", a dénoncé dans un communiqué le HDP, ajoutant que "cela marque la fin de la démocratie en Turquie". De son côté, l'Union européenne s'est dite "extrêmement inquiète" par la voix de sa chef de la diplomatie, Federica Mogherini. L'UE a contacté Ankara pour aborder discuter de ces arrestations. Les ambassadeurs de l'UE en Turquie ont été convoqués pour une réunion.

La France et l'Allemagne préoccupées. La France a exprimé sa "vive préoccupation" après l'arrestation des douze parlementaires du HDP et appelé Ankara à respecter l'État de droit et les libertés fondamentales. "La France et la Turquie sont liées par des valeurs communes qui fondent leurs relations et se traduisent notamment par l'adhésion de nos pays à la convention européenne des droits de l'homme", a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Romain Nadal, lors d'un point de presse. En Allemagne, le ministre des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier a convoqué le le chargé d'affaires turc en raison "des derniers développements en Turquie", a indiqué la diplomatie allemande.