Turkménistan : une statue en or de 21 mètres à la gloire du président

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© IGOR SASIN / AFP
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MEGALO - Le président turkmène a inauguré lundi une statue en or de 21 mètres de haut à son effigie qui domine Ashkabad, la capitale du pays. 

Une statue de 21 mètres à son effigie. C’est la dernière folie en date de Berdymoukhamedov. Le "président" turkmène, au pouvoir depuis 2006, a parachevé lundi son œuvre de dictateur bâtisseur en inaugurant une statue en or de 21 mètres de haut à Ashkabad, la capitale du pays. Détail notable, le personnage conquérant et trônant sur son cheval que figure cette statue n’est autre que Berdymoukhamedov lui-même, qui fait là la démonstration de sa propension à se mettre en avant. Sur le promontoire d’un éperon rocheux, on peut voir le chef d’Etat monter fièrement Akhan, son cheval favori, tout en brandissant une colombe dans sa main droite. Une pose qui n’est pas sans rappeler le "Cavalier de bronze", la statue de l’empereur russe Pierre le Grand.

Un projet "à la demande de simple gens". Lors de la cérémonie d’inauguration, les soldats parfaitement alignés au garde-à-vous ont réitéré leur vœu d’allégeance au président au son de l’hymne national. Berdymoukhamedov n’était pas présent en personne, mais la présidente du Parlement, Akdja Nourberdieva, n’a pas raté l’occasion de rappeler que ce monument avait été érigé "à la demande de simples gens, de collectifs professionnels et d’organisations publiques".

Projets pharaoniques. Si c’est la première fois que le président turkmène se met ainsi en scène, Berdymoukhamedov n’en est en revanche pas à son coup d’essai en termes de projets pharaoniques. Cet ancien dentiste, arrivé au pouvoir après la mort de son prédécesseur, le "Turkmenbachi" (le père de tous les turkmènes) Saparmourat Niazov, lui aussi connu pour sa profonde modestie, s’est lancé depuis une décennie dans une série de grands projets, tous plus surprenants les uns que les autres.

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La ville de tous les records. Son ambition ? Faire d’Achkabad, la capitale du Turkménistan, la plus belle ville du monde. C’est pourquoi, comme le rappelle le Nouvel Obs, le programme politique de Berdymoukhamedov ressemble furieusement au livre du Guiness des records : depuis sa prise de pouvoir, Achkabad a accueilli la plus grande roue vitrée du monde, le plus grand tapis fait main mais aussi le plus haut mât de la planète, qui permet de hisser le drapeau national à plus de 130 mètres du sol.

Un "Palais du bonheur" en pleine dictature. Des projets presque anodins comparés aux deux plus grandes réalisations de Berdymoukhamedov : un palais présidentiel de 70.000 m² dont une partie est exclusivement faite de marbre blanc, que viennent avantageusement orner cinq coupoles couvertes de feuilles d’or. Plus modeste, l’autre bâtiment phare de la ville, baptisé en toute simplicité "Palais du Bonheur" ne fait "que" 60.000m². Inauguré en 2011, à l’occasion des 20 ans de l’indépendance du pays, la construction ce palais a tout de même coûté 100 millions d’euros. Des projets dont certains sont portés par l’entreprise française Bouygues, comme l’a expliqué Le Monde Diplomatique dans une enquête révélant les liens étroits entre la dictature turkmène et le groupe de BTP tricolore.   

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Combat de mégalos. Arrivé au pouvoir grâce à une modification constitutionnelle, Berdymoukhamedov  s’était pourtant engagé à l’époque à ne pas marcher sur les traces de Niazov, son prédécesseur. Presque dix ans après, il s’est montré au moins aussi mégalomaniaque. Par ses grands projets, Berdymoukhamedov s’est efforcé d’effacer des tablettes son prédécesseur : il a notamment déplacé une imposante statue de Niazov, installée en plein centre d’Ashkabad, jusque dans les faubourgs de la ville. Depuis, il s’est aussi proclamé "Héros du Turkménistan" en 2011, pour concurrencer celui qui était connu comme "le père de tous les Turkmènes " Enfin, il construit un musée honorant la mémoire de son père, comme le signale RFI.

La guerre des melons. La concurrence mégalomaniaque entre l’ancien et l’actuel président se joue jusque sur les produits de consommation courante. Niazov avait fait accoler son image sur les bouteilles de soda et avait baptisé une race de melon en son honneur. Berdymoukhamedov a répliqué en renommant une autre race de cucurbitacée "Arkadag" (protecteur en français), soit le sobriquet sous lequel le connaissent les Turkmènes.

Pas d’eau dans le gaz pour le Turkménistan. Cette rivalité délirante n’est pas pointée du doigt par la communauté internationale, très discrète sur les violations de l’état de droit (interdiction des partis politiques, presse indépendante inexistante, "assimilation" forcée des minorités ethniques, fichage extrême de la population…). Et pour cause, si Bouygues se taille la part du lion dans un marché du BTP florissant, le Turkménistan intéresse beaucoup les compagnies gazières comme British petroleum : le pays recèle en son sol les quatrièmes ressources mondiales de gaz derrière la Russie, l’Iran et le Qatar.