Tunisie : violée, elle devient l’accusée

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avec agences , modifié à
Abusée par deux policiers, une Tunisienne est accusée d’atteinte à la pudeur.

>> Mise à jour : l'audition a finalement été reportée au 2 octobre, selon les ONG, et un appel à manifester à cette date devant le tribunal de Tunis a été lancé sur les réseaux sociaux sous le titre "Nous nous aimons : violez-nous".

Quand la victime devient l’accusée, les Tunisiens grondent. Une jeune femme tunisienne, violée par deux policiers, est convoquée devant un juge ce mercredi, pour « atteinte à la pudeur ». Une convocation qui a déclenché l’ire de la société civile, qui considère qu’une fois de plus les islamistes au pouvoir font  peu de cas des droits de la Femme.

Plusieurs ONG dont l'Association tunisienne des femmes démocrates et la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme, ont dénoncé cette convocation. La jeune femme doit être confrontée à deux policiers, eux-mêmes incarcérés pour viol, mais qui l'accusent d'"atteinte à la pudeur" et de "voies de fait".

"Troïka je vous vomis !"

Selon le ministère de l'Intérieur, la jeune femme et son ami avaient été appréhendés par trois agents le 3 septembre dans une "position immorale". Deux d'entre eux avaient alors violé la jeune femme tunisienne pendant que le troisième retenait son fiancé menotté.

Les ONG ont relevé que cette procédure "transforme la victime en accusée" et "vise à la terroriser et à l'obliger, elle et son fiancé, à renoncer à leurs droits". Les associations s'interrogent aussi "sur le sérieux de l'engagement du gouvernement à appliquer le plan national de lutte contre la violence faite aux femmes".

La députée Karima Souid, membre d'Ettakatol un parti de gauche allié aux islamistes d'Ennahada, a pour sa part annoncé, sur Facebook, qu’elle se désolidarisait du gouvernement. "L'affaire du viol et la convocation de la victime ce matin est la goutte d'eau qui vient de faire déborder le vase", a-t-elle écrit, lançant, avec véhémence, à la coalition tripartite au pouvoir "Je vous vomis!"

Les islamistes pointés du doigt

Les associations féministes tunisiennes dénoncent, depuis l'arrivée au pouvoir des islamistes d'Ennahda après la Révolution de Jasmin, le comportement de la police à l'égard des femmes, qui seraient régulièrement harcelées pour leur tenue vestimentaire ou lors de sorties nocturnes sans un homme de leur famille.

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"L'homme et la femmes, sont les deux ailes du même oiseau" brandit cette manifestante, en août 2012.

Les femmes tunisiennes bénéficient, pourtant, du statut le plus moderne du monde arabe depuis la promulgation du Code de statut personnel (CSP) le 13 août 1956 instaurant l'égalité des sexes dans plusieurs domaines, mais elles restent discriminées dans plusieurs autres, notamment concernant les héritages.

Les islamistes d'Ennahda avaient par ailleurs déclenché un large mouvement de contestation en août en proposant d'inscrire dans la nouvelle Constitution la "complémentarité" des sexes et non l'égalité. Ce projet de texte a été abandonné lundi.