Tunisie : un gouvernement de transition

© REUTERS-Mohamed Hammi
  • Copié
avec Catherine Boullay et agences , modifié à
Si des opposants font leur entrée au gouvernement, six ministres de l’ère Ben Ali sont reconduits.

Trois jours après la chute du régime Ben Ali, la Tunisie s'est dotée lundi d'un "gouvernement d’union nationale". Au risque de décevoir la soif de changement de la population, six des ministres sont des ministres sortants. Et pas des moindres : Défense, Intérieur, Finances, Affaires étrangères. C’est aussi le cas du Premier ministre sortant Mohammed Ghannouchi, qui a lui-même égrainé les noms des ministres chargés de gérer la transition jusqu'à la tenue d'élections présidentielle et législatives dans six mois.

Une femme à la Culture

Trois opposants font tout de même leur entrée dans le nouveau cabinet. Najib Chebbi, chef de file du Parti démocratique progressiste, prend le poste de ministre du Développement régional, un poste clé quand on sait que les inégalités entre les différentes régions ont en grande partie suscité la révolte. Moustapha Ben Jaafar, président du Forum démocratique pour le travail et la liberté, hérite de la Santé. Quant à Ahmed Ibrahim, du parti Ettajdid, il hérite de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique.

Des personnalités issues de la société civile sont aussi promues, dont un ancien patron du grand syndicat national, à l'avant-garde pendant les quatre semaines de révolte. Il y a une femme aussi, la réalisatrice Moufida Tletli, nouveau ministre de la Culture, ce qui déplaît fortement aux islamistes. Qui, eux, ne sont pas représentés.

La rue calmée ? Pas sûr

Autre signe qu’"une nouvelle page de l'histoire de la Tunisie" est peut être en train de s’écrire : le Premier ministre a promis la prochaine libération de tous les prisonniers politiques du pays. Mohammed Ghannouchi a aussi promis une "liberté totale de l'information". Dans la ligne de mire de l'opinion, le ministère de l'Information est d'ailleurs supprimé. Autres avancées démocratiques : tous les partis politiques qui le demandent seront légalisés, selon le Premier ministre, et les organisations non-gouvernementales, comme la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, sont désormais autorisées.

Des annonces à même de calmer la rue ? Pas sûr. Des manifestations ont éclaté lundi à Tunis et dans le centre-ouest du pays où la crainte de se faire confisquer la révolution "du jasmin" est palpable. Les manifestants réclamaient la dissolution du parti de Ben Ali, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD). "La révolution continue! RCD dehors!", ont scandé à Tunis plusieurs centaines de manifestants sur l'avenue Habib Bourguiba. "On ne veut personne du RCD dans le futur gouvernement, y compris le Premier ministre" Mohammed Ghannouchi, déclarait ainsi un manifestant avant même l'annonce officielle du gouvernement.

Partage du pouvoir ou "mascarade"?

Sitôt le gouvernement annoncé, l'opposant historique tunisien Moncef Marzouki, qui a déjà fait acte de candidature pour la prochaine présidentielle, a dénoncé une "mascarade".

Toutefois, le nouveau ministre du Développement régional, Najib Chebbi, a vanté les mérites de la nouvelle équipe gouvernementale. "Le programme déclaré et les mesures vont dans le sens d’élections libres, en présence d’observateurs internationaux", a-t-il souligné. "Les médias sont déjà libres. Les prisonniers politiques ont été libérés aujourd’hui", a développé le ministre.

Au même moment, Mohammed Ghannouchi annonçait l'organisation d'élections dans les six prochains mois.

DOSSIER SPECIAL : la Tunisie après Ben Ali