Tunisie : le parti islamiste à la manoeuvre

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avec AFP , modifié à
Selon les résultats définitifs, Ennahda remporte 90 sièges, loin devant la gauche.

La Tunisie vient de clore un premier volet de son virage démocratique engagé il y a neuf mois, lors de la chute de Ben Ali. Les résultats officiels, publiés jeudi soir, par l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) placent largement en tête le parti Ennahda.

Ce parti islamiste a remporté l'élection avec 41,70% des voix et obtient ainsi 90 sièges de la future Assemblée constituante, selon les résultats. Des résultats conformes aux estimations communiquées durant la semaine. "On est sûr de l'emporter dans 24 (des 27) circonscriptions" du pays, avait anticipé Samir Dilou, un membre du bureau politique du parti.

Il est suivi, loin derrière, par le parti de gauche nationaliste, du Congrès pour la République qui obtient 30 sièges, soit 14% du suffrage, et le parti de gauche l'Ettakatol de Mustapha Ben Jaafar qui remporte 21 sièges, soit 10 % des voix.

La surprise vient des listes menées par le richissime homme d'affaires tunisien, Hechmi Haadmi, avec 8,19 % des voix et 19 sièges à l'Assemblée. "La pétition populaire pour la justice et le développement", devient ainsi la quatrième force politique du pays, et ce, malgré l'invalidation de ses scores dans six circonscriptions, dont Sidi Bouzid, berceau de la révolution.

Des heurts à Sidi Bouzid

Les autorités électorales évoquent notamment "des irrégularités de financement". Hechmi Haamdi est notamment soupçonné d'avoir acheté des votes et mené sa campagne mené sa campagne depuis l'étranger, ce qui est illégal, rappelle Le Figaro. Basé à Londres, le milliardaire a annoncé qu'il se retirait de l'assemblée. L'invalidation des résultats de la Pétition populaire, notamment à Sidi Bouzid, dont Hechmi Haamdi est originaire a suscité la colère des habitants. Des groupes de jeunes ont notamment mis à sac le local d'Ennahda et jeté des pierres sur les forces de l'ordre.

Viennent ensuite le Parti démocrate progressiste (PDP) – 7,86 % des voix et 17 sièges – la coalition de gauche du Pôle démocratique moderniste (PDM) – 5 sièges – et l'Initiative, parti dirigé par Kamel Morjane, ex-ministre de Ben Ali, avec 5 sièges.

"Pas question de faire revenir les femmes au foyer"

Pour dissiper la vive appréhension que suscite son accession au pouvoir, Ennahda a multiplié, ces dernières semaines, les signes d'ouverture.

Le numéro deux du parti islamiste, Hamadi Jebali, 62 ans qu'il n'était "pas question de faire revenir les femmes au foyer", ni de remettre en cause les acquis du secteur touristique qui représentait 7% du PIB tunisien en 2010 - un chiffre qui a fortement depuis la chute du régime de Ben Ali en janvier dernier.

"Est-il raisonnable, a lancé Hamadi Jebali, de paralyser un secteur vital comme le tourisme en interdisant les boissons alcoolisées et le port de maillots de bains ou autres pratiques ? Ce sont des libertés individuelles garanties aussi bien pour les étrangers que pour les Tunisiens", a-t-il martelé.

La main tendue à la gauche

Les autorités tunisiennes peuvent désormais s'atteler à la formation du nouveau gouvernement. L'Assemblée constituante sera chargée de former ce nouveau gouvernement et de rédiger la nouvelle Constitution, avant des élections législatives et présidentielle qui devraient intervenir dans un délai d'un an environ.

Dans cette optique, le parti d'Ennahda a assuré que la future Constitution, l'une des priorités de la prochaine Assemblée issue de l'élection, ne pourra voir le jour "sans un consensus avec les partis et les  partenaires qui y sont représentés".

Hamadi Jebali a indiqué qu'il se porterait candidat à la direction du prochain gouvernement et a fait part de son intention de composer avec les principales formations de gauche. Peu après le scrutin de dimanche, les islamistes et les principaux partis de gauche ont engagé des tractations pour la mise en place d'un gouvernement d'union nationale souhaité par Ennahda.