Tunisie : le gouvernement déjà critiqué

Le gouvernement de transition mené par Mohammed Ghannouchi (à droite) mécontente de nombreux opposants.
Le gouvernement de transition mené par Mohammed Ghannouchi (à droite) mécontente de nombreux opposants. © REUTERS
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avec Catherine Boullay , modifié à
La plupart des opposants à Ben Ali dénoncent la composition de ce gouvernement de transition.

"La révolution dont je suis l'un des pères est trahie". L’une des figures les plus illustres de l’opposition tunisienne, Taoufik Ben Brik, n’a pas caché son amertume lundi soir sur Europe 1 après l’annonce de la composition d’un gouvernement de transition qui, avec 6 postes clefs dont celui de Premier ministre, fait la part belle à l'équipe sortante.

"J’ai eu un moment de liesse mais il est retombé. J’ai à présent un sentiment de désespoir et de détresse", a confié l'écrivain. Pour lui, le nouveau gouvernement ne fait en rien table rase de l'ère Ben Ali : "on a coupé la tête mais le canard court toujours".

Même son de cloche dans les rues de Tunis, où les manifestants ont vivement réagi à l'annonce du nouveau gouvernement. A leurs yeux, ce dernier laisse une place bien trop importante aux anciens ministres de Ben Ali.

"Que l'ancien régime aille en enfer", s'indigne un manifestant :

"Des architectes de la dictature"

Même défiance teintée de colère chez la plupart des personnalités de l’opposition tunisienne. La porte-parole du Conseil national pour les libertés en Tunisie, Sihem Bensedrine, a ainsi jugé "extrêmement inquiétante" la composition du gouvernement qualifiant même, sur Europe 1, les ministres reconduits d’"architectes de la dictature incapables de produire autre chose que de la dictature". La co-fondatrice du magazine Kalima a également dit craindre que ce "gouvernement provisoire ne s’installe dans la durée".

Tous craignent de voir la "révolution du jasmin" confisquée. Le Premier ministre Mohammed Ghannouchi a pourtant assuré que des élections générales se tiendraient dans six mois au plus tard. Mais l’opposant Moncef Marzouki, qui s’est d’ores et déjà déclaré candidat à la future présidentielle, a dit s’attendre au pire de la part d’un gouvernement où "le parti de la dictature conserve toutes les places importantes" et "dont le ministère de l'Intérieur est supposé organiser les futures élections". Même les trois opposants nommés ministres ne trouvent pas grâce à ses yeux car "déjà adoubés par la dictature de Ben Ali", selon lui. "Je pense que le peuple tunisien ne va pas se laisser faire par cette espèce de mascarade", a-t-il assuré.

"Nous restons dans l'opposition"

Hamma Hammami, le leader du Parti communiste des ouvriers de Tunisie, interdit sous le régime Ben Ali, partage ce pessimisme. Hamma Hammami a ainsi réfuté, sur Europe 1, toute candidature de son parti à la future présidentielle " parce que des élections dans six mois ne donneront qu'un président qui appartient au RCD", le Rassemblement constitutionnel démocratique, parti du président déchu.

"Nous restons dans l'opposition et nous restons à côté du peuple tunisien qui continue sa lutte", a-t-il conclu. Lundi, avant même l'annonce officielle du nouveau gouvernement, un millier de personnes sont descendues dans les rues de Tunis pour demander la dissolution du parti de Ben Ali.

Le seul opposant à s’être fait l’avocat du gouvernement de transition n’est autre que Néjib Chebbi… nommé lundi ministre du Développement régional. "C'est une équipe de coalition nationale, faite de trois composantes, avec des ministres de l'ancien gouvernement connus pour leur compétence et leur probité, des membres de l'opposition (...) et des personnalité indépendantes rayonnantes", a assuré le chef historique du Parti démocratique progressiste à Europe 1.

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