Tunisie : cinq choses à savoir sur l’élection présidentielle

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ENJEUX - Près de quatre ans après la révolution qui a renversé Ben Ali, les élections du 23 novembre doivent doter la Tunisie d'institutions durables. Retour en cinq points sur le scrutin. 

Cette élection présidentielle sera surveillée de près. Depuis 1956, la Tunisie n’avait connue que deux hommes forts : Habib Bourguiba, et Ben Ali, renversé par la révolution de jasmin le 14 janvier 2011.

Quatre ans après, les Tunisiens sont appelés dimanche aux urnes pour élire leur président. Et transformer l’essai de la révolution pionnière du Printemps arabe, pour doter le pays d’institutions stables. Retour en cinq points sur ce scrutin. 

Béji Caid Essebsi, leader de Nidaa Tounes et grand favori

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On le surnomme BCE. Béji Caid Essebsi, leader du parti vainqueur des élections législatives d’octobre, est le grand favori des sondages. Son camp espérerait même l’emporter au premier tour. Âgé de 88 ans, il a fait ses armes aux côtés de Bourguiba comme de Ben Ali. Raison pour laquelle sa candidature est vue par certains comme  un retour en arrière.  

Béji Caid Essebsi avait fait son retour sur le devant de scène après le renversement de Ben Ali. Il avait alors été nommé Premier ministre provisoire, et est crédité d’avoir mené les premières élections libres en Tunisie, en octobre 2011. Un scrutin alors remporté par le parti Ennahda, contre lequel BCE s’érige aujourd’hui.

Critiqué pour son âge, il a aussi été vilipendé pour ses propos sexistes. "Ce n'est qu'une femme", avait-il lancé à une élue islamiste qui le malmenait. Il avait ensuite expliqué avoir utilisé cette expression par "galanterie".

Son parti, la formation anti-islamiste Nidaa Tounès - littéralement "L'Appel de la Tunisie" - s’est imposé en deux ans d’existence comme l’adversaire principal d’Ennahdha. Cette formation hétéroclite rassemble aussi bien des intellectuels et hommes d’affaires que des syndicalistes et des proches de l’ancien régime. 

Pourquoi Ennahdha ne présente pas de candidat ?

Le parti islamiste, vainqueur des premières élections libres d’octobre 2011, n’a présenté aucun candidat. "Ennahdha réitère son attachement à éviter à la Tunisie la domination d'un seul parti (...) lors de cette phase de construction de la démocratie", a expliqué le président d’Ennahdha, Rached Ghannouchi dans une tribune publiée vendredi sur Le Figaro.

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Depuis sa défaite aux élections législatives, les cartes politiques ont été rebattues. Le parti islamiste est arrivé deuxième derrière Nidaa Tounès, perdant son statut de premier parti du pays. 

Pour cette élection, Ennahdha n’a donné aucune consigne de vote. Mais selon El Watan, le parti tenterait coûte que coûte de barrer la route à Nidaa Tounès. Le quotidien algérien avance qu’en réalité, Ennahdha soutient en sous-main l’actuel président Moncef Marzouki, avec qui le parti islamiste s’était allié en 2011 pour diriger le pays.

Marzouki et Riahi , deux outsiders 

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Moncef Marzouki, l’actuel président, est arrivé au pouvoir en 2011 après avoir été élu par la Constituante. Opposant en exil à Ben Ali, il a été très critiqué pour son alliance avec Ennahdha. Ses adversaires lui ont d’ailleurs reproché d’avoir mis de côté ses valeurs pour assouvir son ambition personnelle. Des accusations balayées par Moncef Marzouki, qui assure que cette alliance a permis d’éviter l’éclatement entre les franges laïques et religieuses. Son parti est ressorti affaibli des élections législatives, et n’a remporté que 4 des 217 sièges. 

Slim Riahi fait figure d’outsider. Après une campagne marqué par des accents populistes, son parti – l’UPL – est arrivé troisième des législatives. Cet homme d’affaires, réputé proche du dictateur libyen Mouammar Kadhafi, serait le troisième homme de l’élection, selon El Watan.      

27 prétendants, une seule femme candidate 

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Parmi les 23 candidats, Kalthoum Kannou est la seule femme à briguer la présidence. Cette magistrate chevronnée est une opposante de longue date à Ben Ali. Chantre de l’indépendance de la justice, elle a fait l’objet de multiples pressions de la part du régime pour avoir tenté d’enquêter sur le clan Ben Ali. 

Kalthoum Kannou a fait de l’éducation et de la lutte contre le terrorisme ses principaux thèmes de campagne. Mais sans surprise, cette candidature féminine a provoqué une opposition conservatrice. Interrogée par la radio Shems FM jeudi, Kalthoum Kannou a sobrement répondu à ces attaques : “les Tunisiens peuvent être fiers de pouvoir élire une femme à ce poste".

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Quel est le rôle du président dans cette Tunisie très parlementaire ?

Les prérogatives du président tunisien sont limitées. Marquées par 55 ans de monopole du pouvoir, les forces politiques s'étaient mises d’accord en 2011 pour limiter les pouvoirs du président. 

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La Constitution prévoit donc que l’essentiel de l’exécutif relève du premier ministre, issu de la majorité parlementaire. Selon l'analyste Selim Kharrat, interrogé par l’AFP, l’enjeu principal du scrutin "est la formation de la future coalition, pour pouvoir nommer un gouvernement et une majorité stable sur les cinq prochaines années".

Des tractations vont donc devoir s’engager. Car le parti Nidaa Tounes a manqué de 23 voix la majorité absolue, requise pour former un gouvernement. Béji Caid Essebsi avait dit qu'il attendrait les résultats de la présidentielle avant d'engager des discussions. Mais les spéculations vont bon train sur la probabilité d’une alliance entre Nidaa Tounès et Ennahda. Une collaboration contre nature sur le papier, mais qui n’a été exclue par aucun des deux partis.

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