Outrances de Trump : "Une escalade rhétorique purement stratégique"

Donald Trump, candidat à la Maison-Blanche en 2016, ne perd pas en crédibilité, du moins, auprès de son électorat cible.
Donald Trump, candidat à la Maison-Blanche en 2016, ne perd pas en crédibilité, du moins, auprès de son électorat cible. © AFP
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Donald Trump, candidat républicain à la Maison-Blanche en 2016, ne perd pas en crédibilité, du moins, auprès de son électorat cible.
INTERVIEW

On ne compte plus ses sorties fracassantes. Le milliardaire américain Donald Trump, candidat républicain à la Maison-Blanche en 2016, est désormais réputé pour ses dérapages verbaux. Récemment, il déclarait vouloir barrer l'entrée des musulmans aux Etats-Unis. Des propos condamnés partout dans le monde y compris dans son propre pays, sauf… par ses partisans, qui ont applaudi des deux mains. Loin de faire des gaffes, le candidat républicain maîtrise avec soin chacune de ses sorties sur des sujets aussi sensibles que l’immigration, le mariage homosexuel ou la liberté de religion.

Une stratégie politique que décrypte l’historien et spécialiste des Etats-Unis, François Durpaire, pour Europe1.fr.

>>Avec ses propos vivement critiqués, notamment sur les musulmans, Donald Trump est-il encore un candidat crédible aux yeux des Républicains ?

Oui et plus que jamais. Car Donald Trump ne cherche pas à séduire les Américains. Pour le moment, il est dans l’optique des primaires et il s’adresse à la frange conservatrice du parti républicain, qui est son électorat. Ces électeurs n’attendent que ce genre de propos. Le discours de Donald Trump s’adresse à cette base conservatrice et donc s’inscrit pleinement dans une stratégie politique. Et c’est une stratégie qui rapporte.

Quand Donald Trump a tenu ces propos sur les musulmans, il venait de voir que Ted Cruz – l’un de ses concurrents aux primaires – était passé en tête dans l’Iowa, l’Etat qui sera le premier Etat à voter.  Trump a donc mis en place une sorte d’escalade rhétorique qui est destinée à reprendre la main, dans cet Etat. Tout cela est purement stratégique et politique ; froid et réfléchi.

>>Mais cette stratégie politique basée sur des déclarations provocatrices, sur la polémique, ne finira-t-elle pas par lasser jusqu’à son propre camp ?

Non, car Trump suit clairement un objectif : être le candidat républicain à la présidentielle de 2016. Et pour lui, le gagnant sera celui qui sera plus anti-président. C’est toujours comme cela que ça marche aux Etats-Unis. Le candidat qui a le plus de chance d’être élu est celui se pose en candidat anti-pouvoir en place. Et aujourd’hui, quand on regarde les enquêtes d’opinion chez les Républicains, c’est le plus anti-Obama qui a toutes les chances d’être élu aux primaires.

Et on voit très bien qu’au sein même de son parti, les critiques ne sont pas si nombreuses. Ceux qui l’attaquent sont ceux qui jouent sur le même terrain : Jeb Bush, qui avait lui-même, après les attentats de Paris, proposé d'exclure uniquement les réfugiés syriens musulmans, et qui a traité Trump de "déséquilibré". Mais des hommes comme Ted Cruz ou encore Marco Rubio (autres candidats républicains), ne disent rien. Ils ne veulent pas insulter l’électorat de Donald Trump qui est également le leur.

>> Mais si Donald Trump est élu candidat républicain, a-t-il pour autant la carrure d’un président des Etats-Unis ? L’électorat ne sera plus le même.

En effet, et Donald Trump adaptera son discours en temps voulu. Il fera trois déclarations d’amour aux hispaniques et on aura oublié toutes les abominations qu’il aura pu dire avant. Et puis surtout, c’est un candidat qui est pris au sérieux par ses concurrents. Il est quand même à 30% dans les sondages. Je vous rappelle qu’il est multimilliardaire et peut donc s’offrir, tout seul, une campagne en indépendant. On ne peut pas le balayer d’un revers de la main.

Ronald Reagan a été beaucoup critiqué quand il s’est présenté. On lui reprochait d’être un acteur de série B. La différence avec Trump, c’est que Reagan avait une expérience politique puisqu’il avait été gouverneur, là où Donald Trump n’a jamais exercé le pouvoir politique. Et en même temps, on voit que les Américains veulent un candidat qui n’a pas d’expérience politique, un candidat qui sort de l’establishment. Mais il est encore beaucoup trop tôt pour faire des projections et juger des dynamiques qu’adopteront les électeurs : iront-ils jusqu’au bout ?