Tibéhirine : un drame, des zones d'ombre

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Fabienne Cosnay , modifié à
14 ans après, les circonstances de leur assassinat restent troubles. Plusieurs thèses s'affrontent.

A l’occasion de la sortie en salles du film Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois, retour sur l’affaire des moines trappistes de Tibéhirine. La thèse d’un assassinat par le GIA (Groupe islamique armé) a été remise en cause, en 2009, suite au témoignage du général François Buchwalter.

Qui étaient les moines de Tibéhirine ?

Les sept moines enlevés puis assassinés étaient installés depuis de nombreuses années à Notre Dame de l’Atlas, près de Médéa, dans une zone montagneuse située à 90 km d’Alger. Un territoire entouré de maquis contrôlés par des islamistes appartenant au GIA. Les trappistes vivaient de leurs terres et tenaient un dispensaire destiné aux habitants de la région. En dépit des menaces, ils ont toujours refusé toute protection armée.

Le 1er décembre 1995, en pleine guerre civile, le GIA lance un ultimatum à tous les étrangers vivant en Algérie pour qu’ils quittent le pays. Le 24 décembre, un commando du GIA se présente à la porte du monastère. Le groupe exige de l’argent, des médicaments et un médecin. Le père Christian obtient leur départ. Les jours suivants, les moines votent et décident, malgré le danger, de rester dans le pays.

Qui les a enlevés ?

Dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, sept d’entre eux sont emmenés de force par une vingtaine d’islamistes armés. Le GIA dirigé par Djamel Zitouni revendique leur enlèvement puis leur assassinat, le 21 mai.

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"Nous avons tranché la gorge de tous les moines conformément à notre engagement", puisque "le président français et le ministère des affaires étrangères ont déclaré qu’ils ne négocieraient pas avec le Groupe islamique armé", annonce le communiqué. Le 30 mai, l'armée algérienne affirme avoir découvert les dépouilles des moines. En réalité, seules leurs têtes seront retrouvées, au bord d'une route de montagne, à Médéa.

Quelles thèses s’affrontent ?

En 2003, la thèse officielle vacille. Abdelkader Tigha, un ancien de la sécurité militaire algérienne, affirme que les moines ont été enlevés par les services secrets algériens et non par le GIA. Objectif ? Faire pression sur la France et obtenir son soutien dans la lutte contre le terrorisme.

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En juin 2009, c’est une nouvelle thèse qui est avancée. L’enquête est relancée par le juge antiterroriste Marc Trévidic suite au témoignage troublant livré par le général François Buchwalter, aujourd’hui à la retraite. Le militaire affirme que les moines ont bien été enlevés par des islamistes mais auraient ensuite été tués par des tirs d’hélicoptères militaires. Victimes d’une bavure de l’armée.

"Les hélicoptères ont vu un bivouac. Comme cette zone était vidée, ça ne pouvait être qu'un groupe armé. Ils ont donc tiré sur le bivouac. (...) Une fois posés, ils ont découvert qu'ils avaient tiré notamment sur les moines", a déclaré le général Buchwalter dans sa déposition. Le militaire affirme aussi avoir alerté sa hiérarchie. Sans résultat.

Où en est l’enquête ?

A la demande de la justice française, une centaine de documents classés "secret-défense" provenant des ministères des Affaires étrangères, de la Défense et des services secrets ont été versées au dossier judiciaire pour faire avancer l’enquête. Des écrits qui ont d’ores et déjà révélé que l'armée algérienne conduisait bien des opérations militaires dans la région où ont été détenus les moines de Tibéhirine.