TEMOIGNAGE E1 - Otages : "j'ai vécu ce qu'ils vivent"

Des sept otages enlevés le 16 septembre 2010 au Niger, quatre sont toujours retenus par les ravisseurs.
Des sept otages enlevés le 16 septembre 2010 au Niger, quatre sont toujours retenus par les ravisseurs. © AFP
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et Xavier Yvon , modifié à
- Deux des otages enlevés au Sahel racontent, pour ceux qui restent détenus.

C’était il y a un an jour pour jour. Sept otages étaient enlevés à Arlit, dans le Nord du Niger, par Al-Qaïda au Maghreb (AQMI). Parmi ces sept otages, trois ont été libérés en février dernier : une Française, Françoise Larribe, dont le mari est toujours détenu et deux hommes, un Togolais et un Malgache. Les tractations, lentes et délicates, sont en cours pour obtenir la libération des quatre otages.

Alex Ahonado, le Togolais, et Jean-Claude Rakotoarilalao, le Malgache, vivent depuis leur libération avec le souvenir de leurs longs mois de détention. Ils ne veulent pas qu’on oublie les quatre Français toujours aux mains des ravisseurs dans le Sahel.

"J'ai vécu ce qu'ils vivent actuellement. Je ne cesse pas de penser à eux. Je n'arrête pas depuis un an. Ce n'est pas humain. Ils n’ont tué personne, ils n'ont pas commis de crime", se confie Jean-Claude Rakotoarilalao au micro d’Europe 1.

"Ce n’est pas humain"

Pour Europe 1, les ex-otages sont revenus sur leurs délicates conditions de détention. Si celles-ci n’ont pas évolué, leurs compagnons doivent se trouver actuellement sous un gros acacia, à l'ombre, au milieu d'un paysage de rocaille et de sable, allongés sur des couvertures. Ils ne sont pas entravés, car toute tentative de fuite est vaine : ils ne tiendraient pas longtemps seuls dans le Sahel.

Les otages sont vêtus en hommes du désert : djellaba, pantalon et turban, tout comme leurs gardiens. Ceux-ci sont une vingtaine d'hommes, armés de kalachnikovs, avec leurs pick-up garés près d'eux.

Les journées sont rythmées par les prières des gardes

Sous un soleil de plomb, il n'y a rien à faire sauf à attendre que l'eau du puits décante dans une bouteille, pour qu'elle devienne buvable. En fond sonore une radio islamique. Les journées sont rythmées par les cinq prières des gardes. Dépossédés de leurs montres, les otages doivent se fier au soleil pour connaître l’heure.

"Les repas ne sont pas réguliers, on mange en même temps que les gardiens, raconte Alex Ahonado. Les menus sont toujours les mêmes. "Il y a du pain et puis des pâtes", raconte Alex. "Quand on a soif, ils nous donnent", ajoute Alex, précisant que "c’est dur".

Les otages ont tous été malades

Tous les otages ont été malades, victimes de diarrhées ou de dysenterie. Les gardiens les soignent avec des médicaments sortis d'une trousse en toile. Ils surveillent l’état de santé de leurs détenus mais pour le reste, c'est strict. On leur a par exemple interdit de fabriquer un jeu de dame avec du carton et un bout de charbon.

Les discussions sont autorisées, mais à voix basse, et en respectant certaines règles. "Ils ne voulaient plus qu’on s’appelle par notre prénom. Finalement, ils nous ont donné un nom musulman", révèle Jean-Claude Rakotoarilalao.

"Ils nous ont donné un nom musulman" 

En six mois, Alex Ahonado  et Jean-Claude Rakotoarilalao se souviennent avoir changé entre 12 et 18 fois de lieu de campement. Ils étaient entièrement coupés du monde. Une fois seulement, le monde extérieur est venu à eux quand un de leurs ravisseurs a sorti de sa poche une photo imprimée sur une feuille de format A4 et l'a tendu à l'un des otages, Marc Féret. "Voilà une bonne nouvelle pour vous", a dit le ravisseur. C'était une photo du bébé de Marc qui venait de naître : sa femme était enceinte au moment où il a été enlevé.

"Marc était très content au début, mais quelques minutes après, il a fondu en larmes", confie Jean-Claude Rakotoarilalao. L’enfant a dix mois aujourd’hui et n’a toujours pas vu son père.

Des prières pour la libération des otages

Le Malgache dit prier tous les jours pour la libération de ses anciens compagnons d’infortune : "Je demande à Allah, leur Dieu, de souffler à l'oreille des ravisseurs de libérer mes compagnons", avoue-t-il au micro d’Europe 1. "A ce moment-là seulement", dit-il, "je serai vraiment libre".