Tarantino et "Django" censurés en Chine

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Charles Carrasco avec agences
Le film américain a été retiré des écrans en Chine pour d'obscures raisons. Les internautes ne comprennent pas.

L'INFO. Alors que le régime avait promis une "ouverture", il semble que le 7e art n'ait pas encore toutes les libertés au sein de l'Empire du milieu. "Django Unchained", le long métrage de Quentin Tarantino relatant les tribulations d'un esclave affranchi et d'un chasseur de primes dans le Sud des États-Unis, a été retiré jeudi des écrans de cinéma en Chine, le jour même de sa sortie.

Quels arguments ? "Pour des raisons techniques, les projections de Django Unchained sont pour l'heure interrompues dans tout le pays", a rapporté le grand portail d'informations Sina.com, en citant une consigne distribuée aux sociétés d'exploitation. Des scènes de nudité seraient à l'origine de cette censure de dernière minute, a affirmé Sina en citant des sources anonymes internes à l'industrie.

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Comme à chaque fois, les règles de la censure en Chine sont opaques et surtout jamais justifiées par les autorités. Mais celle-ci s'exerce d'ordinaire en amont de la sortie prévue, et une telle intervention auprès des salles de projection est rare. "Django Unchained", un western décrivant les plantations esclavagistes juste avant la guerre de Sécession, devait être le premier film de Tarantino à bénéficier d'une sortie commerciale en Chine. Comme souvent dans les œuvres du cinéaste américain, on y trouve des scènes crues et violentes, notamment des règlements de compte avec des bonnes doses d'hémoglobine.

Déjà des retouches. Les autorités chinoises de la censure ont exigé que certaines de ces séquences soient retouchées, en faisant apparaître le sang d'une couleur plus foncée et en réduisant la taille des éclaboussures, a expliqué Zhang Miao, un responsable de Sony Columbia Pictures, la société de production, cité par le quotidien cantonais Nanfang Dushibao.

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Les Chinois incrédules. Beaucoup de Chinois se faisaient une joie de voir le nouveau long-métrage de Quentin Tarantino. "Au Megabox de Sanlitun (un quartier de Pékin, ndlr), je regardais 'Django', au bout d'une minute la projection s'est arrêtée ! Les employés sont venus nous dire que l'Administration d'Etat pour la radio, le cinéma et la télévision et la chaîne de cinémas avaient tous téléphoné pour nous dire que la sortie était repoussée ! Quelqu'un peut me dire quelle est la p... de situation !", s'enflamme un internaute sur Weibo, cité par Le Monde.

Le rédacteur en chef du Global Times, un journal officiel, a également pris partie contre cette censure. C'est une "décision qui endommagera beaucoup plus la politique du pays que les dégâts provoqués par des 'scènes nocives'", affirme-t-il. "Des décisions étranges sont fréquentes dans tout le pays et dans les administrations. Après c'est la crédibilité du gouvernement qui en paie le prix", déplore ce journaliste.

Des précédents. A moins qu'un film donne une image particulièrement flatteuse du peuple chinois, il est rare qu'il passe sans dommages sous les fourches caudines de la puissante administration d'Etat chinoise chargée du cinéma. Le film germano-américain "Cloud Atlas", ambitieuse fresque dans laquelle jouent Susan Sarandon, Tom Hanks, Halle Berry et Hugh Grant, a récemment été amputé de près de 40 minutes. "Skyfall", le dernier James Bond où Daniel Craig tient la vedette, a également subi en Chine les coups de ciseaux de la censure.