Scott Atran : "Daech est le mouvement de contre-culture le plus important depuis la chute de l'Union soviétique"

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A.D , modifié à
Professeur à Oxford, Scott Atran décrypte sur Europe 1 ce qui fait l'attraction de Daech pour ceux qui rejoignent l'organisation.
INTERVIEW

Quel horizon pour ceux qui ont rejoint les rangs de Daech au delà de la mort et du sacrifice ? Scott Atran, anthropologue et professeur à l'université d'Oxford était invité dans C'est arrivé cette semaine pour analyser la nature de l'Etat islamique.

"Le mouvement de contre-culture le plus important". La révolution de Daech, selon Scott Atran, c'est le projet du grand califat mondial. "C'est le mouvement de contre-culture le plus important depuis la chute de l'Union soviétique. C'est le seul courant qui met en question l'hégémonie des Etats-unis et de ses alliés. Daech offre une vision morale et un avenir tout autre. Comme toute révolution, elle naît dans une rivière de violence comme rite de passage vers un nouveau monde."

"Dépassement de soi". Pour le spécialiste, en France, la forte communauté musulmane est marginalisée. "La théorie classique veut qu'on devient un criminel parce qu'il est très difficile de s’assimiler à la société majoritaire. Ils ne veulent pas devenir criminels mais Daech vient leur dire qu'ils ont un savoir-faire qu'ils ont été forcés à apprendre, qu'ils doivent l'utiliser pour se libérer, ainsi que leurs confrères et l'Humanité toute entière. Il y a un message de dépassement de soi. L'homme a besoin de façon intermittente de sacrifice, c'est ce que Daech apporte aussi."

"Un canon pour tuer une mouche". "Combien de gens en France sont en quête d'identité, marginalisés, questionne-t-il ? Des millions. Les programmes contre la marginalisation qui visent des millions pour capturer les 3.000 qui sont impliqués, c'est comme prendre un gros canon pour tuer une mouche. Il faut s'immiscer dans les réseaux mêmes, ce que l'on ne fait pas."

"Convaincre les jeunes". Si les attaques aériennes sur les périmètres des territoires de Daech étaient très importantes d'après lui, "attaquer Raqqa (au centre de la Syrie) comme Hollande l'a fait juste après les attentats a eu un effet contre-productif sur la population. La seule chose qui peut convaincre les jeunes (de ne pas rallier Daech, ndrl), ce sont les autres jeunes, puisque ce sont eux qui radicalisent leurs amis. 80% des gens qui rejoignent Daech le font à travers amis et famille."