Sa femme s'appelle Simone

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Simone Gbagbo, l'épouse de l'ex-président ivoirien, ne s’est jamais contentée d’un rôle de figuration.

Sur les images de l’arrestation de Laurent Gbagbo, lundi 11 avril, on la voit aussi furieuse qu’étonnée, le regard hagard. Dans sa chute, le président ivoirien sortant a emporté celle qui l'accompagne depuis vingt ans et cette dernière y a beaucoup perdu, car Simone Gbagbo est une véritable femme de pouvoir. Loin du rôle de "potiche" auquel peuvent être confinées de nombreuses premières dames, elle a baigné dans la politique depuis l'adolescence, certain allant jusqu'à voir en elle une forme de premier ministre officieux du régime ivoirien. Retour sur le parcours d’une femme à poigne.

Militantisme précoce et idéologie post-coloniale

Née en 1949 près de Grand-Bassam, à l’est d'Abidjan, Simone Ehivet a grandi dans une famille de dix-huit enfants. Fille de gendarme, elle déménage au gré des affectations de son père, avant de se lancer très tôt dans le militantisme.

Dès le collège, elle intègre la section féminine de Jeunesse estudiantine catholique, une organisation dont elle devient la présidente à l’âge de 18 ans. Se tournant ensuite vers des études d'histoire et de linguistique, elle étudie Marx, Engels et Mao et se forge un corpus idéologique sans concession envers l’ancien colonisateur français. Egalement très critique vis-à-vis du président Félix Houphouët-Boigny, le père de la nation ivoirienne, elle fait plusieurs séjours derrière les barreaux dans les années 1970 et 1990.

Présente dès les premiers pas politiques de Laurent Gbagbo

En 1982, elle cofonde ce qui deviendra le Front populaire ivoirien (FPI, socialiste) avec Laurent Gbagbo. Un "camarade de combat" qu’elle épouse en secondes noces en 1989 et dont elle aura deux filles. Dès lors, elle accompagne son mari en politique et devient députée en 1995.

Elle participe activement à la campagne présidentielle de 2000 et multiplie les meetings avant de devenir une Première dame très influente. Elle est rapidement qualifiée de partisane de la ligne dure, notamment lorsqu'éclate la rébellion de 2002. Invité de France 24 en 2007, elle commence son interview en expliquant : "je ne cherche pas à faire peur". Mais le ton est bien plus agressif après l'annonce de la victoire d'Alssane Ouattra : lors d’un meeting courant janvier 2011, elle qualifie Alassane Ouattara de "chef bandit" et Nicolas Sarkozy de "diable".

Une "renaissance" dans la religion

Portrait au vitriol dans Le Canard Enchainé, rumeurs les plus folles sur des prières collectives organisées dans la résidence présidentielle… Ses années 2000 sont aussi empreintes de religiosité, Simone Gabgbo ayant adopté l’évangélisme après être sortie indemne d’un accident de voiture en 1998. Un virage religieux que certains observateurs analysent comme un rapprochement avec les néoconservateurs américains : les Ivoiriens seraient en croisade contre le mal, à savoir les rebelles du Nord qui menacent de couper le pays en deux.

"Elle croit mordicus que cette crise est le fruit d'un grave déficit spirituel. Et la voilà à l'initiative de veillées de prières dans les quartiers d'Abidjan. Ou préconisant un mois entier de carême à la veille de la réunion, le 17 octobre à Addis-Abeba, du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine sur la Côte d'Ivoire. Simone jeûne plusieurs jours par mois, passe une bonne partie de la journée à lire la Bible", raconte ainsi le magazine Jeune Afrique.

Après le discours fort, la manière forte ?

Si Laurent Gbagbo ne partage que modérément cette ferveur religieuse et délaisse l’alcôve conjugale, Simone Gbagbo n’édulcore pas son discours : "Dieu n'aime pas les rebelles. Cela est dans plusieurs de ses textes. Il a dit que les rebelles seront supprimés. Chez nous comme ailleurs", lance-telle en 2004 lors d’une cérémonie de culte à Lakota.

Certaines rumeurs l’accusent même d’être liée aux opérations des "escadrons de la mort" qui ont assassiné plusieurs opposants. Son nom apparait aussi dans l’enquête sur la disparition du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer en 2004. Seule certitude, elle défend le concept d’Ivoirité (un nationalisme ivoirien pointant les étrangers africains) et incarne la ligne dure du régime, hostile à tout compromis avec les rebelles et toute ingérence française. Une fougue qu’elle va désormais utiliser pour se défendre des accusations que la justice ivoirienne va porter à son encontre.