Près de Mossoul, des tribunaux populaires pour juger ceux qui ont aidé Daech

Parmi les civils libérés dans les villages près de Mossoul, les forces irakiennes tentent de repérer les collaborateurs de Daech pour les juger devant des tribunaux populaires.
Parmi les civils libérés dans les villages près de Mossoul, les forces irakiennes tentent de repérer les collaborateurs de Daech pour les juger devant des tribunaux populaires. © THOMAS COEX / AFP
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Gwendoline Debono, envoyée spéciale d'Europe 1 à Mossoul, avec M.B.
Les hommes et les femmes accusés d'avoir collaboré avec l'organisation terroriste sont arrêtés et jugés, souvent après avoir été dénoncés.
REPORTAGE

Ils sont trois hommes, en sandales, debout, tête baissée, face au mur. "Bonjour Daech", lâche le policier qui les amène. Ici, dans les bureaux froids et humides de la cour antiterroriste, non loin de Mossoul, l'épuration des djihadistes a commencé. Près de la ville que les forces irakiennes tentent de libérer de l'emprise de l'État islamique depuis deux mois, les tribunaux populaires fleurissent. 

Enseignants et administrateurs d'hôpital. Dans le bureau des services de renseignement locaux, les dossiers s'entassent partout. Sol, chaises et canapé sont recouverts de classeurs qui contiennent des profils d'hommes et de femmes soupçonnés d'avoir aidé Daech à imposer sa loi. "Il y a des enseignants qui ont changé les programmes scolaires", détaille le chef de section. De ceux avec lesquels les problèmes de mathématiques ont pris des allures de propagande islamiste. "Par exemple, ils disaient 1 bombe + 1 bombe = 2 bombes. Ils voulaient transformer l'esprit des enfants."

Les services de renseignement se penchent aussi sur les métiers de la santé. "On ne va pas arrêter le médecin qui n'avait pas le choix", explique le chef de section. "Mais on va demander des comptes à l'administrateur de l'hôpital nommé par Daech qui donnait des ordres."

Pas de djihadiste étrangers. Lui se dit "étonné du nombre de personnes qui ont collaboré". Dans le district, plus de 700 hommes seraient ainsi en détention. Aucun étranger, tous les collaborateurs sont de la région. L'un des juges d'instruction raconte même avoir vu passer l'un de ses anciens camarades de classe.

"Il n'y a pas de justice". La plupart ont atterri devant les tribunaux populaires après avoir été dénoncés. La délation constitue souvent le seul élément à charge. Avec tous les risques que cela peut comporter. Fatma, dont le mari est retenu, jure ainsi qu'il n'a rien fait. "Au checkpoint, il a donné sa carte d'identité et les forces de sécurité l'ont emmené", raconte-t-elle. "Son nom était sur la liste des personnes recherchées mais c'est juste un homonyme ! Des gens de la ville sont allés dire qu'il était innocent mais ils ne l'ont pas libéré. Il n'y a pas de justice."

Dans quelques semaines, peut-être quelques mois, son mari passera devant le juge. Après cette première audience, il sera libéré ou envoyé devant une cour pénale. Si c'est le cas, il risque la peine de mort.