Pourquoi le Québec s'enflamme-t-il ?

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Solène Cordier avec agences , modifié à
Depuis trois mois, les étudiants manifestent contre la hausse prévue de leurs frais de leur scolarité.

De nouveaux heurts se sont déroulés dimanche soir à Montréal, théâtre depuis trois mois d'une contestation étudiante. La 27ème manifestation nocturne organisée dans la métropole québecoise a entraîné l'arrestation de plus d'une centaine de personnes et fait une dizaine de blessés. Europe1.fr fait le point sur ce conflit.

Pourquoi les étudiants manifestent-ils depuis trois mois? Depuis  le 13 février, quelque 155.000 étudiants québecois sont en "grève illimitée" pour protester contre la forte hausse des frais de scolarité annoncée par le gouvernement libéral de Jean Charest. La dernière version de cette réforme prévoit une augmentation de 82% des droits de scolarité à l'université -soit 1.780 dollars (environ 1.392 euros) sur sept ans- au lieu de cinq ans initialement, pour arriver à près de 4.000 dollars (3.128 euros) par an, plus près de la moyenne nord-américaine.

Ce conflit étudiant, surnommé par certains le "printemps érable" en référence au Printemps arabe de 2011, est le plus long de l'histoire du Canada. Il a provoqué la démission de la ministre de l’Éducation, Line Beauchamp.

Pourquoi un tel regain de tension depuis quelques jours ? Face à la détermination des étudiants, le gouvernement du Québec a décidé de faire voter une loi d'exception afin de mettre fin à la grève. Ce texte doit rester en vigueur jusqu'en juillet 2013. Adoptée le 18 mai, cette "loi spéciale", approuvée par 68 voix contre 48, restreint notamment le droit de manifester.

Elle suspend aussi les cours dans les établissements en grève jusqu'à mi-août, dans le but de faire baisser la tension et prévoit aussi de très lourdes amendes pour les organisateurs de manifestations destinées à empêcher le fonctionnement normal des universités.

Le mouvement peut-il prendre encore de l'ampleur ? Mais le vote de la loi spéciale a eu l'effet inverse de celui attendu par le gouvernement. Les leaders étudiants ont immédiatement fait savoir qu'ils ne plieraient pas et une "grande manifestation" a été annoncée à Montréal pour le mardi 22 mai. L'adoption de la loi d'exception a aussi fait basculer une partie de l'opinion, jusque-là favorable ou indifférente à la mesure d'augmentation des frais de scolarité.

Les historiens ont apporté le jour-même leur soutien aux manifestants dans le quotidien Le Devoir. "Rarement a-t-on vu une agression aussi flagrante être commise contre les droits fondamentaux qui ont sous-tendu l’action sociale et politique depuis des décennies au Québec", écrivent-ils. Quant à l'opposition politique, elle a dénoncé après l'adoption du texte "un des jours les plus sombres pour la démocratie québécoise" et une "loi-matraque pour faire taire les Québécois".

Comment les manifestants s'organisent-ils ? Au Québec comme ailleurs, Internet et les réseaux sociaux jouent un rôle important dans l'organisation des manifestations.

Le 3 mai, des milliers d'étudiants ont par exemple répondu à un appel lancé sur Facebook, les enjoignant à manifester nus dans les rues de Montréal. Une manière de souligner l'échec de toutes les autres tactiques utilisées jusque-là pour faire plier le gouvernement.

Sur Twitter, les hashtag (mots-clé) #manifencours et #loi78, du nom de la loi spéciale adoptée en réaction par le gouvernement, sont utilisés pour communiquer. Des "live" permettent également de suivre les événements sur les sites des médias montréalais tels que CUTV News, Radio-Canada ou La Presse.