Pour contrer la Russie, le G8, une arme de dissuasion massive ?

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SOUS PRESSION - La Russie vit depuis le week-end dernier sous la menace d'un boycott du G8. Poutine doit-il s'inquiéter ?

L’INFO. Face à la menace d’invasion de la Crimée par l'armée russe, les puissances occidentales sont venues soutenir l'Ukraine, à leur manière. Leur arme favorite : menacer de boycotter le G8 qui doit se tenir à Sotchi, en Russie, les 4 et 5 juin. Les sept autres membres de cette réunion des puissants ont suspendu les préparatifs du 40e sommet du G8. La Russie pourrait donc se retrouver seule à table, sans les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la France, l’Italie, le Canada et le Japon. Le boycott serait une première. "Nous nous préparons au G8", persiste Vladimir Poutine dans une conférence de presse, mardi. "Si nos collègues ne veulent pas venir, qu’ils ne viennent pas." Le président russe semble avoir été touché au cœur par cette menace.

Une mesure exceptionnelle mais envisageable. Tous les ans, les dirigeants des huit plus grandes puissances mondiales se retrouvent pour discuter coopération économique, mais aussi glisser quelques mots de politique internationale, même si le G8 n’est pas le lieu pour régler des conflits comme celui qui secoue l’Ukraine en ce moment. C’est donc un espace de discussion et de diplomatie essentiel. "Il est vrai que les pressions sur le G8 sont un mauvais coup pour la Russie", affirme Philippe Moreau Desfarges, chercheur à l’Institut français des relations internationales et auteur de L’Europe pour les nuls.

Quand John Kerry, le chef de la diplomatie américaine, évoque que Poutine "pourrait même ne pas rester au sein du G8 si cela continue", la proposition a de quoi faire trembler. Et pourtant, formellement, Moscou ne risque pas de se faire radier du groupe des huit puissants. Et pour cause, le G8 n’a aucune existence formelle. Le premier élargissement à la Russie date de 1998, quand le G7 décide de s’ouvrir à Moscou. Aujourd’hui encore, "la qualification exacte des réunions est G7+G8", précise Philippe Moreau Desfarges à Europe 1. Il suffirait donc au G7 de se réunir sans la Russie pour mettre fin au G8. Et rien n’empêche les dirigeants internationaux de snober Vladimir Poutine. Si ce n’est la politesse et la diplomatie.

Face à la diplomatie, l'économie. "C’est une arme puissante, mais comme toutes les armes puissantes, elles sont très difficiles à utiliser", tient à ajouter Philippe Moreau Desfarges. Sortir la Russie du G8 mettrait le pays totalement au ban des relations internationales. Et pour cela, il faudrait l’unanimité des Sept. Or, en Union européenne, Angela Merkel est l’acteur-clé, l’interlocuteur privilégié entre Kiev et Moscou. "Et Berlin n’est pas dans une ligne de confrontation avec la Russie", souligne le chercheur de l’IFRI. "Elle est dans une ligne de négociation."

Car Merkel a beaucoup à perdre à rompre toute discussion avec Poutine. Notre voisin outre-Rhin importe 40 % de son gaz depuis la Russie. La dépendance est réciproque. En Russie, 12 % des importations viennent d’Allemagne. Ajoutons une participation allemande importante dans le projet de gazoduc Nord Stream, qui passe par la mer Baltique avant d’arriver au nord de l’Allemagne. Et quand bien même le courage politique d’Angela Merkel dépasserait les considérations économiques, des lobbies industriels pourraient la convaincre de ne rien en faire. Autant dire que l’unanimité du G7 pour exclure la Russie peut encore attendre.

Le tracé du gazoduc Nord Stream

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Une ouverture. Plus pragmatiquement, Vladimir Poutine est plus ouvert qu’il n'y paraît. "La Russie considère qu’elle a une sphère privilégiée : les pays de l’ex-URSS", rappelle Philippe Moreau Desfarges. "Et pourtant, elle accepte de parler avec l’UE de l’avenir de l’Ukraine. Donc quelque part, elle accepte de ne plus considérer l’espace ex-soviétique comme sa zone exclusive", nuance-t-il. "Il y a une petite porte à ouvrir, une ouverture qu’il serait dommage de ne pas utiliser." Personne, ni les Etats-Unis, ni la France, ni l’Allemagne ne veut réellement rompre tout contact diplomatique avec la huitième économie mondiale. Car les mesures de répression iront dans les deux sens.

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