Lisbonne attire de plus en plus de Français, retraités comme travailleurs. 2:20
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Sandrine Prioul, édité par Mathilde Belin , modifié à
Pour sortir de la crise économique, le Portugal mise sur les entrepreneurs et travailleurs étrangers. Et parmi eux, on compte de nombreux Français.
REPORTAGE

Le Portugal serait-il devenu la nouvelle terre d'élection des travailleurs français ? 50.000 Français sont aujourd’hui installés dans le pays ibérique, un chiffre qui a quintuplé en quatre ans. Et parmi eux, il n’y a pas que des retraités qui cherchent une vie au soleil, mais aussi des familles et des jeunes entrepreneurs. Europe 1 est allé à la rencontre de ces Français qui ont décidé de tout quitter dans l’Hexagone pour avoir une meilleure qualité de vie et profiter des opportunités qu’offre ce pays, qui mise justement sur les investisseurs étrangers pour sortir de la crise.

"Avoir une croissance beaucoup plus rapide". Dans une usine reconvertie en bar branché à Lisbonne, Dorian travaille pour son logiciel informatique créé il y a un an à peine. Cet entrepreneur de 27 ans peut déjà espérer lever des fonds pour son projet naissant et doubler dans les trois mois les effectifs de sa boîte, Seeqle, dont le logiciel a vocation à se substituer aux chasseurs de tête. "On ne connaissait pas Lisbonne, on est venu ici un peu par hasard. On s’est dit qu’il y a vraiment des choses intéressantes. Sur le plan professionnel, ça nous a permis de réduire nos charges fixes (notamment sur la location de locaux, ndlr) et donc embaucher plus de personnes et arriver à une croissance beaucoup plus rapide", raconte Dorian, qui ne cache pas non plus son plaisir de pouvoir se rendre en dix minutes à la plage le week-end.

Ainsi, des entreprises françaises, comme Société générale ou Natixis, se mettent elles aussi à délocaliser au Portugal, attirées par le dumping fiscal, pour s’offrir une des mains-d’œuvre ultra-qualifiées les moins chères d’Europe. Un ingénieur informatique trilingue gagne ainsi 1.800 euros net par mois au Portugal, soit deux à trois fois moins que pour un poste similaire en France, mais de trois fois l'équivalent du Smic (650 euros). 

"Vivre mieux avec moins". Les immigrés français ne parlent pas pour autant d’eldorado, en raison notamment des… 80 heures de travail par semaine. Sylvie, qui a troqué sa société de décoration en banlieue parisienne contre une vie de salariée à la portugaise, gagne à peine plus de 1.000 euros par mois : "On était heureux où on vivait avant, on voulait juste quelque chose de différent pour nous et nos enfants. On a tout claqué, on vit avec moins d’argent car par rapport à mon ancienne vie de salariée en France, j’ai divisé par quatre mon salaire. Mais c’est pour montrer justement que c’est un vrai choix de vie. Vivre mieux avec moins." Désormais, Sylvie, qui a vendu entreprise et maison en France, vit avec son mari et ses trois filles sur leur épargne, mais c'est sans regret, jure-t-elle. 

Cette vie prometteuse a vu affluer des milliers de familles, au point que le lycée français de Lisbonne peine à trouver de la place à tous les élèves. "On en est à l’heure actuelle à 250 personnes qui n’ont pas de place. Elles sont sur liste d’attente pour l’année prochaine et je cherche en vain des places pour tous ceux qui veulent venir ici", déplore Serge Faure, le proviseur.

Vers une sortie de crise ? Le Portugal mise sur l’arrivée de ces travailleurs et entrepreneurs étrangers pour tromper la crise économique : le taux de chômage est ainsi passé de 17 à moins de 8% en cinq ans. Certains politiques portugais vont jusqu'à revendiquer "la fin de la crise". Mais déjà quelques voix portugaises susurrent à l'oreille des classes moyennes qu’il va falloir enrayer ce creusement des inégalités et ne pas oublier la population locale… Et peut-être remettre en cause tous les avantages fiscaux accordés aux étrangers, et notamment aux Français.

Le boom de l'immobilier. Si le Portugal a autant pignon sur rue parmi les retraités français, c’est bien pour sa fiscalité avantageuse. Les étrangers qui s’installent dans le pays sont exonérés pendant 10 ans d’impôts sur le revenu, une manière pour le gouvernement de lutter contre la crise grâce à leurs investissements. Ainsi, les seniors français sont nombreux à investir dans l’immobilier : plus d’une transaction immobilière sur 20 réglée en 2017 concernait un Français. Véronique et Ian ont acheté sur plan un appartement de haut standing de 140 m2 à Lisbonne.

Ces futurs retraités français ont déboursé 500.000 euros pour un appartement avec vue sur le soleil couchant. "Les avantages fiscaux, c’était en tête de liste. Mais aussi la douceur de vivre, la ville cosmopolite…", raconte Véronique. Désormais, les immeubles neufs se construisent par dizaines et les prix de l’immobilier s'envolent, notamment dans les régions de Lisbonne et Porto. "Il y a énormément de demandes, on est entre 2.000 et 4.000 euros le m2. Ça va vite : en une semaine, les grands appartements neufs, ça part", affirme Adrien, agent immobilier de Maison au Portugal, plus grosse structure sur place qui propose des appartements ou des maisons clés en main. Dans certains quartiers, le prix du m2 peut atteindre jusqu’à 10.000 euros… Soit une augmentation de 30% en une seule année. Et les biens neufs se vendent en moins d’une semaine.