Pologne : "Le gouvernement grignote par une série de lois les libertés du pays"

Pour le politologue, l'ouverture de la procédure de l'article 7 aurait le mérite d'obliger la Pologne à se justifier en place publique.
Pour le politologue, l'ouverture de la procédure de l'article 7 aurait le mérite d'obliger la Pologne à se justifier en place publique. © Europe 1.
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A.D , modifié à
Le politologue Jean-Yves Potel décrypte la crise politique en Pologne. Il était l'invité de la matinale d'Europe 1, vendredi.

Mercredi, la commission européenne a durci le ton envers la Pologne et a brandi l'article 7 du traité de l'Union européenne, menaçant de "déclencher immédiatement" la procédure permettant de suspendre les droits de vote du pays dans l'Union européenne. En cause ? L'inquiétude européenne face à la réforme de la justice voulue par le gouvernement polonais, une réforme accusée de remettre en cause l'indépendance des juges. Jean-Yves Potel, historien et politologue, spécialiste de la Pologne, analyse la situation dans la matinale d'Europe 1.

Une mobilisation "sans précédent". Le pays se trouve face à une crise politique. "Le gouvernement a un projet autoritaire très fort et grignote par une série de lois les libertés du pays. Une loi met sous tutelle le Conseil constitutionnel, une autre change la composition du Conseil de la magistrature, une autre vise la Cour suprême et une quatrième les tribunaux ordinaires. Tout ça donne beaucoup de pouvoir au ministre de la justice et au parti dominant. En face, il y a une mobilisation étonnante, sans précédent, même pas organisée par l'opposition. Des milliers de gens dans la rue protestent", décrit le politologue.

Un président pris en étau. Le président de la République polonaise, Andrzej Duda, issu de la majorité s'est prononcé contre deux des quatre lois décriées. "Il est dans une situation compliquée car il se met à dos tout son parti - on le prend pour un traître - et en face, il ne satisfait pas la demande des manifestants", explique Jean-Yves Potel. "Il calcule mais ne satisfait pas. Son calcul est très mauvais parce qu'il se retrouve dans un étau. Il a aussi des rancœurs avec le ministre de la Justice. C'est un adversaire personnel très dur, ils se haïssent et si on applique ces lois, le ministre aura plus de pouvoir que le président de la République."

Quant à la procédure européenne, elle a peu de chance d'aboutir. "C'est une arme mais il faut l'unanimité des Etats membres. La Hongrie a déjà dit qu'elle ne voterait pas." Mais le spécialiste nuance et reconnaît l'utilité du processus : "Ça va étaler sur la place publique la réalité de la situation polonaise et ils vont devoir se justifier."