Obama-Rohani : un tournant diplomatique ?

Mardi, Barack Obama a déclaré qu'il comptait tester la disposition de M. Rohani, investi le mois dernier, à dialoguer sur le programme nucléaire de la République islamique, sujet de contentieux majeur.
Mardi, Barack Obama a déclaré qu'il comptait tester la disposition de M. Rohani, investi le mois dernier, à dialoguer sur le programme nucléaire de la République islamique, sujet de contentieux majeur. © Reuters
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Charles Carrasco avec agences , modifié à
Obama et Rohani n’excluent pas de se voir à l’ONU. Ce serait une première depuis la révolution islamique de 1979.

L’INFO. Est-ce l’amorce d’un dégel entre les deux pays ? Toujours est-il que l’ambiance entre Américains et Iraniens est déjà moins électrique que durant le mandat de l’ancien président, Mahmoud Ahmadinejad. Dernier signe de cette (relative) détente : le président américain, Barack Obama n'exclut pas de rencontrer son homologue iranien récemment élu Hassan Rohani, la semaine prochaine, à l'occasion de l'Assemblée générale annuelle de l'Onu, a fait savoir jeudi la Maison-Blanche. Mais la prudence est de mise : Téhéran devra traduire ses paroles en actes.

Une rencontre à l’ONU ? Depuis le début de la semaine, les  spéculations vont bon train à propos d'une éventuelle rencontre la semaine prochaine à l'Assemblée générale de l'ONU entre les deux dirigeants. Cette rencontre, même du côté iranien, n’est aujourd’hui pas exclue. "Tout est possible dans le monde de la politique", a déclaré Hassan Rohani sur la chaîne américaine NBC, qui multiplie en ce moment les déclarations conciliantes à l'adresse des États-Unis. Si cette rencontre avait lieu, il s'agirait du premier contact direct entre des présidents américain et iranien depuis l'instauration en 1979 à Téhéran d'une République islamique. Mieux encore, dans un extrait de cet entretien, Hassan Rohani avait salué le ton "positif et constructif" de Barack Obama et espéré de "petits pas" diplomatiques entre les deux gouvernements ennemis. La rencontre dans le bâtiment des Nations unies à New York pourrait prendre la forme d'une simple poignée de mains entre les deux hommes avec échanges d'amabilités, plutôt que d'une discussion approfondie.

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Faciliter la discussion en Syrie. A Washington aussi, on constate cette embellie. Le secrétaire d'État américain, John Kerry avait salué jeudi des "propos très positifs" du président iranien, tout en prévenant :  cela doit être "mis au banc d'essai et nous verrons dans quelle direction nous irons", avait nuancé le chef de la Diplomatie américaine. Jay Carney, porte-parole de la Maison-Blanche, a reconnu jeudi ce changement de ton et a donc estimé qu'une rencontre Obama-Rohani pourrait avoir lieu, soulignant toutefois que rien n'était encore programmé. "C'est possible, mais cela a toujours été possible. La main tendue est là depuis que le président a pris ses fonctions", a-t-il déclaré. Hassan Rohani s'est même dit "prêt à (...) faciliter le dialogue" en Syrie entre le régime de Bachar al-Assad, son principal allié dans la région, et l'opposition.

Avancer sur le dossier du nucléaire. Barack Obama, a poursuivi le porte-parole, a toujours été ouvert au dialogue, "à condition que les Iraniens répondent sérieusement aux exigences de la communauté internationale en renonçant à leurs programmes d'armements nucléaires". Mardi, Barack Obama avait déclaré qu'il comptait tester la disposition de Hassan Rohani, investi le mois dernier, à dialoguer sur le programme nucléaire de la République islamique, sujet de contentieux majeur. "Il y a là une chance pour la diplomatie. J'espère que les Iraniens la saisiront", avait-il assuré Hassan Rohani a, lui, récemment prévenu que son pays ne cèderait pas d'un "iota" sur ses droits nucléaires, a assuré sur NBC que "nous n'avons jamais cherché à obtenir une bombe nucléaire, et nous n'allons pas le faire".

Une libération d’opposants. Outre les paroles, le président iranien a fait un premier geste d'ouverture vers l'Occident en libérant mercredi plusieurs opposants réformateurs, dont l'avocate des droits de l'Homme Nasrin Sotoudeh, emprisonnée depuis 2010. Ces libérations pourraient être justement liées au grand raout diplomatique de la semaine prochaine à New York, selon l'analyste politique iranien Saïd Leylaz au quotidien réformateur Shargh. Pour Trista Parsi, du groupe de réflexion National Security Network, ces libérations s'apparentent plutôt à un geste de la République islamique envers l'Occident "sans avoir à (lui) donner quelque chose de substantiel". Mais selon cet expert, la "fenêtre" entre l’Iran et les Etats-Unis pourrait se refermer assez vite : "les conservateurs (...) ont reçu l'ordre de laisser Rohani essayer pendant un certain temps. S'il ne parvient pas à démontrer que son approche diplomatique rapportera davantage à l’Iran que les performances théâtrales d'Ahmadinejad, les conservateurs reviendront aux commandes".

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© Reuters

Khamenei et Israël, maîtres du jeu ? L'administration Obama devra faire preuve d'un grand doigté "pour ne pas rendre la vie plus difficile au président Rohani à Téhéran", prévient l'Américain Karl Inderfurth, ancien diplomate posté à l'ONU et membre du groupe de réflexion CSIS de Washington, en allusion au Guide suprême Ali Khamenei, véritable maître du jeu politique. Le président américain n'a pas non plus les mains libres, vu l'opposition du Congrès à lever les sanctions contre un gouvernement dont le programme nucléaire est décrit par Israël comme une menace pour son existence, observe pour sa part Trista Parsi, en se demandant "de quelle flexibilité dispose Washington afin d'offrir des concessions nécessaires pour que l’Iran conclue un accord".