Nafissatou Diallo livre sa version des faits

© Capture d'écran ABC News
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Plana Radenovic et B.P., Martin Feneau et Reuters , modifié à
VIDEO - L'accusatrice de DSK s'exprime pour la première fois dans deux médias américains.

Pour la première fois depuis samedi 14 mai, jour de sa présumée agression sexuelle, la discrète Nafissatou Diallo s'exprime publiquement. Elle le fait notamment dans une très longue interview à Newsweek, et dans un entretien à ABC News. La Guinéenne de 32 ans donne sa version très détaillée de ce moment où elle s'est retrouvée dans la chambre 2806, la suite de Dominique Strauss-Kahn.

ABC News a diffusé lundi après-midi un teaser de l'interview, en attendant la version intégrale prévue dans la nuit de mardi à mercredi.

Avec des gestes très évocateurs, Nafissatou Diallo décrit la scène :

"Monsieur, arrêtez cela. Je ne veux pas perdre mon travail"

"Bonjour, c'est pour le ménage", a commencé Nafissatou Diallo, samedi 14 mai. C'est là qu'un homme nu avec des cheveux blancs est apparu. "Oh mon Dieu, je suis vraiment désolée", aurait-elle réagi. Ce à quoi DSK aurait répondu : "vous n'avez pas à être désolée". Il lui aurait alors touché les seins, d'après ses déclarations à Newsweek, et claqué la porte de la chambre.

"Vous êtes belle", aurait alors dit l'ex-directeur général du FMI à la femme de chambre du Sofitel. Ce à quoi elle aurait répondu : "monsieur, arrêtez cela. Je ne veux pas perdre mon travail". Une phrase qu'elle aurait prononcé à plusieurs reprises. "Vous n'allez pas perdre votre travail", aurait répondu DSK.

Les premiers extraits de l'interview d'ABC News :

"Il bougeait et faisait du bruit"

"Il me tire fort vers le lit", continue Nafissatou Diallo, précisant que DSK "a essayé de mettre son pénis dans [sa] bouche". Elle dit avoir fermé ses lèvres et tourné sa tête pour montrer qu'elle résiste. "Je l'ai poussé. Je me suis levée. Je voulais lui faire peur", raconte-t-elle. "Je lui ai dit 'regardez, il y a mon chef juste-là'", explique-t-elle. Ce à quoi DSK aurait répondu qu'il n'y avait personne, que personne n'allait entendre.

Puis Nafissatou Diallo dit que DSK a de nouveau essayé de la forcer à lui faire une fellation. "Il bougeait et faisait du bruit, comme 'uhh, uhh, uhh'", "il disait 'suce ma - je ne veux pas le dire -'". "A cause de lui on me prend pour une prostituée", a-t-elle déploré. "Je veux qu'il aille en prison. Je veux qu'il sache qu'il y a des endroits où on ne peut pas utiliser son pouvoir, où on ne peut pas utiliser son argent".

"C'est une réaction normale"

La femme de chambre a décidé de se "montrer en public". "Je le dois, pour moi-même, je dois dire la vérité", explique Nafissatou Diallo dans son entretien à ABC News. La Guinéenne reconnaît avoir commis des "erreurs", mais elles ne doivent pas empêcher l'accusation de poursuivre son travail, estime-t-elle.

Pour Stéphane Dreyfuss, avocat pénaliste au Barreau de New York et ancien substitut du procureur, Nafissatou Diallo prend des risques à s'exprimer ainsi. "Cela ne m'étonne pas. Dans certains médias, elle a été traitée de prostituée à cause de cette affaire. Si elle a été victime comme elle le raconte, cela ne surprend personne qu'elle souhaite que le responsable aille en prison. C'est une réaction humaine et normale", estime Stéphane Dreyfuss au micro d'Europe 1.

Mais le pénaliste donne aussi un aperçu de ce que pourrait être le point de vue du procureur Cyrus Vance sur ces déclarations. "On n’est pas content parce que chaque déclaration d’un témoin est utilisable au procès. On préfèrerait que tout témoin se taise", ajoute-t-il. "Elle a pris la décision de parler, il n’est même pas sûr que le procureur ait été au courant avant".

Le camp DSK dénonce une "campagne médiatique"

Cette première sortie médiatique de Nafissatou Diallo n'a pas tardé à faire réagir les avocats de DSK, qui raillent cette "campagne médiatique". "Elle est la première accusatrice de l'histoire à mener une campagne médiatique pour persuader un procureur de maintenir les charges contre une personne auprès de qui elle espère obtenir de l'argent", ont déclaré Benjamin Brafman et William Taylor dans un communiqué.

"Ses avocats et ses consultants en relations publiques ont orchestré un nombre sans précédent d'événements et de rassemblements médiatiques pour faire pression sur les procureurs dans cette affaire après qu'elle a dû admettre ses efforts extraordinaires pour les induire en erreur", ont-ils ajouté.

Ces déclarations interviennent à une semaine d'une nouvelle audience de Dominique Strauss-Kahn, le 1er août, au tribunal.