Les circonstances atroces de sa mort ont provoqué une vague de manifestations populaires à Al-Hoceima, dans la région du Rif, et des rassemblements de moindre ampleur dans d'autres grandes villes.
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M.B.
Pour Pierre Vermeren, spécialiste du Maghreb, la vague de colère provoquée au Maroc par la mort atroce de Mohcine Fikri n'a rien de surprenant, compte tenu du contexte socio-économique.

Les images, insoutenables, ont fait le tour du web. Vendredi, un vendeur de poissons de la région marocaine du Rif, Mohcine Fikri, est mort broyé dans une benne à ordures actionnée par les forces de l'ordre. Il tentait alors de s'opposer à la saisie et à la destruction de sa marchandise, de l'espadon, une espèce interdite à la pêche à cette époque de l'année.

Depuis le drame, les manifestations se succèdent dans le pays du roi Mohammed VI, gagnant jusqu'aux grandes villes.

Situation sociale "toujours limite". Pour Pierre Vermeren, professeur d'histoire contemporaine à l'Université Paris 1 et spécialiste du Maghreb, ces mouvements de colère n'ont rien de surprenant. "Le Maroc est dans une année de sécheresse", a-t-il expliqué, mardi, au micro d'Europe 1. "La situation économique est très tendue, surtout en province et dans des régions un peu marginalisées comme le Rif. Donc la situation sociale est toujours limite." Surtout, la situation a changé au Maghreb depuis les mouvements nés des Printemps arabes, en 2011. "Depuis [lors], le Maroc a connu de très nombreuses manifestations, grèves, mouvements locaux contre les autorités ou contre un certain nombre d'entreprises. La parole s'est libérée et ce genre d'injustice est perçue comme scandaleuse de la part de la population."

Un gouvernement qui ne reste pas sourd. Ceci explique également le grand cas qui est fait de cette affaire par le pouvoir marocain. Non seulement les manifestations ne sont absolument pas réprimées, mais le roi "a immédiatement dépêché son ministre de l'Intérieur [qui a] lui-même pris des contacts avec la famille" de la victime, rappelle Pierre Vermeren. "Des procédures judiciaires ont été engagées" et le gouvernement a clairement montré sa "volonté de traiter judiciairement l'affaire de manière prioritaire". De fait, mardi, le procureur général du roi à Al-Hoceima, la ville dans laquelle le vendeur de poisson a été tué, a annoncé avoir déféré 11 personnes devant le juge d'instruction pour "faux en écriture publique et homicide involontaire".