Main tendue de l'ex-président yéménite aux Saoudiens : un tournant dans la guerre ?

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avec AFP , modifié à
L'ancien président yéménite Ali Abdallah Saleh, allié aux miliciens Houthis, s'est dit prêt à "tourner la page" de ses relations avec l'Arabie saoudite pour tenter de mettre un terme à l'intervention de la coalition militaire dirigée par Ryad.

De violents affrontements se sont poursuivis samedi dans la capitale yéménite entre les deux composantes de la rébellion. Les Houthis dénoncent un "coup de force" de l'ex-président Ali Abdallah Saleh, qui s'est dit prêt à "tourner la page" avec l'Arabie saoudite.

Une main tendue. Les combats entre les deux camps, qui contrôlent la capitale Sanaa, ont fait des dizaines de morts et de blessés depuis mercredi sans qu'il soit possible de donner un bilan précis. Ils pourraient entraîner un nouveau front dans ce pays pauvre de la péninsule arabique, ravagé par la guerre depuis plus de deux ans et qui connaît déjà la "pire crise humanitaire" de la planète, selon les Nations unies. "J'appelle nos frères dans les pays voisins (…) à arrêter leur agression et à lever le blocus (…) et nous tournerons la page", a dit Ali Abdallah Saleh dans des déclarations à la télévision, en référence à l'Arabie saoudite.

Un dialogue possible sous conditions. Ryad a lancé en mars 2015 une campagne militaire contre les Houthis et leurs alliés pour les empêcher de prendre le contrôle de tout le territoire, et avait récemment renforcé le blocus sur le pays après un tir de missile des Houthis vers Ryad. "Nous promettons à nos frères et voisins que dès qu'un cessez-le-feu sera en place et que le blocus sera levé, nous dialoguerons directement via l'autorité légitime représentée par notre parlement", a ajouté Ali Abdallah Saleh. Cette initiative a été accueilli favorablement par l'Arabie saoudite qui était en froid avec Ali Abdallah Saleh depuis 2012 et qui accuse les Houthis d'être armés par son grand rival régional l'Iran. La coalition sous commandement saoudien a estimé que la démarche de l'ex-président "libérera le Yémen" des "milices loyales à l'Iran".

" Nous regrettons que les efforts de médiation (…) visant à protéger notre nation et son peuple (…) soient partis en fumée "

"Coup de force". Les déclarations de Ali Abdallah Saleh ont provoqué la colère des Houthis, qui ont dénoncé un "coup de force" contre leur alliance. "Le discours de Saleh est un coup de force contre notre alliance et notre partenariat (…) et révèle l'imposture de ceux qui affirment lutter contre l'agression" saoudienne, a déclaré un porte-parole des Houthis. La chaîne de télévision Al-Massira contrôlée par les rebelles a estimé qu'Ali Abdallah Saleh était en train de changer d'alliance. Plus tôt, dans une intervention télévisée, Abdelmalek Al-Houthi, chef des rebelles Houthis, avait exhorté Ali Abdallah Saleh à "revenir à la raison" et averti que "l'Etat pourrait avoir à imposer l'ordre".

Les efforts de médiation "partis en fumée". Ali Abdallah Saleh a de son côté accusé les Houthis d'avoir "déclenché la guerre" à Sanaa dans un communiqué diffusé par son parti Congrès populaire général (CPG), en référence aux combats à Sanaa dont faisaient encore état samedi matin les deux camps. "Le CPG et ses alliés tient Ansarullah pleinement responsables pour avoir déclenché la guerre", selon le communiqué, en utilisant un autre nom pour désigner les rebelles Houthis. "Nous regrettons que les efforts de médiation (…) visant à protéger notre nation et son peuple (…) soient partis en fumée", a-t-il indiqué, en référence à l'échec de médiations vendredi. Les deux camps sont pourtant officiellement alliés depuis qu'ils se sont emparés de Sanaa en septembre 2014, poussant le gouvernement reconnu par le communauté internationale à prendre la fuite. Ils dirigent un gouvernement parallèle dans la capitale, mais ils sont en profond désaccord depuis plusieurs mois sur le partage du pouvoir à Sanaa. 

Des dizaines de milliers de victimes. Les Houthis sont soutenus par l'Iran qui nie cependant leur fournir le moindre appui militaire. Ali Abdallah Saleh, à la tête du Yémen pendant plus de 30 ans, a dû quitter le pouvoir en 2012 à la suite d'importantes manifestations. Le conflit au Yémen a fait plus de 8.750 morts et 50.600 blessés, dont de nombreux civils, depuis mars 2015. Sept millions de personnes ont besoin d'une aide alimentaire d'urgence.

L'ONU appelle à la levée "urgente" et "complète" du blocus

Les responsables de plusieurs agences de l'ONU, dont l'OMS, le HCR et l'Unicef, ont appelé samedi la coalition conduite par l'Arabie Saoudite à lever "d'urgence" et "complètement" le blocus imposé au Yémen", selon un communiqué. "Ensemble, nous appelons la coalition à ouvrir d'urgence et complètement l'accès à tous les ports yéménites de la mer Rouge et à faciliter l'entrée et la libre circulation des biens commerciaux et humanitaires vitaux", écrivent les responsables onusiens.

La levée partielle du blocus a certes permis de "fournir une aide vitale aux personnes dans une situation désespérée" mais "étant donné l'ampleur de la crise humanitaire (...) cela ne fait que ralentir la course vers une tragédie humanitaire menaçant les vies de millions de personnes, cela ne l'empêche pas", soulignent-ils. "Le Yémen reste sous la menace d'une des plus grandes famines de l'ère contemporaine", relèvent-ils, ajoutant que "plus de huit millions de personnes pourraient mourir de faim sans une aide alimentaire d'urgence".