Libye : Haftar, le général qui se rêve un destin à la Sissi

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Le général Haftar, ancien allié de la CIA, poursuit depuis 2011 sa lente ascension en Libye. Il a été nommé à la tête de l'armée régulière.

Il y a cinq ans, Khalifa Belgasem Haftar vivait loin de son pays, la Libye. Lundi 2 mars, il a été nommé chef de l'armée libyenne par le président du Parlement reconnu. "J'ai choisi le général de division Khalifa Belgacem Haftar pour le poste de commandant général de l'armée après l'avoir promu lieutenant-général", a déclaré le président du Parlement. Le général n'est pas du genre modeste et se verrait bien à la tête du pays. Mais de nombreux Libyens le soupçonnent d'être à la botte de la CIA. Car malgré son ascension fulgurante, rares sont ceux qui ont oublié son passé, parfois qualifié "d'opportuniste".

De Kadhafi à la CIA. L'homme a commencé sa carrière au plus près de l'ancien chef de l'Etat Mouammar Kadhafi. Ce militaire de carrière, formé à Benghazi et en URSS, a même aidé le colonel à renverser le roi Idris Ier en 1969. Khalifa Haftar, kadhafiste convaincu, prend la tête de l'Etat major lors de la guerre qui oppose la Libye au Tchad dans les années 80.

Mais après une cuisante défaite, le général Haftar retourne sa veste après avoir été fait captif par l'armée tchadienne. Il désavoue totalement le colonel Kadhafi. Les Etats-Unis le sortent de se mauvais pas et l'exfiltrent vers la Virginie, plus précisément dans la ville de Langley où se trouve également le siège de la CIA. Il est soupçonné de fomenter contre le colonel un coup d'Etat orchestré par les Etats-Unis, en compagnie d'autres exilés libyens. Avec ses 20 ans d'exil, le général Haftar obtient la nationalité américaine et la réputation d'être un pion. "Cette suspicion ne l'a jamais quitté", rapporte au PointSaïd Haddad, maître de conférences aux écoles de Saint-Cyr Coëtquidan.

Retour au pays. Ce n'est qu'à la faveur des printemps arabes que le général Haftar retourne dans son pays d'origine. Il devient rapidement un des chefs militaires du Conseil national de transition, désigné et soutenu pour conduire la transition démocratique en Libye. Mais ses ambitions qui dépassent clairement la simple participation à la "libération" de son pays, poussent les décideurs à le laisser à l'écart du pouvoir. Qu'à cela ne tienne, il attend son heure.

Tous les chemins mènent au pouvoir. A la tête de sa propre milice, appelée "Armée nationale libyenne", le militaire ne sortira du bois qu'en février 2014, lorsqu'il annonce dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux le "gel" des institutions, comme le rapportait l'hebdomadaire Jeune Afrique. Khalifa Haftar semble faire carrière dans les coups d'Etat, mais sa troisième tentative fait mouche.

Haftar

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Le général Haftar change alors de stratégie pour se lancer dans la chasse aux islamistes avec "l'opération Dignité". Avec ses milliers de soldats, Haftar entend bouter les milices islamistes hors de Benghazi et Tripoli. Dans cette bataille, il peut compter sur le soutien de son allié américain. Mais le Haftar de 2014, jure-t-il, n'a plus aucun lien avec la CIA, même "s'il s'en vantait auparavant", comme le rappelle Jeune Afrique.

L'opération Dignité n'a toutefois pas empêché les islamistes de prendre le contrôle d'une partie du pays, analyse Jeune Afrique. La Libye se scinde ; deux gouvernements cohabitent. A Tripoli, les islamistes ont la main sur un parlement. A Tobrouk, un second parlement, dirigé par les anti-islamistes, est reconnu par la communauté internationale. Le gouvernement de Tobrouk se rallie à la cause du général Haftar.

Nommé au cours du mois de février "chef général de l'armée", Khalifa Haftar s'autorisait des pics contre le Premier ministre et le chef d'Etat major dont il dépend. Il se trouve un allié de poids en la personne d'Abdel Fattah Al-Sissi, un modèle. Dans une interview à Asharq Al-Awsal, il déclarait que "si le peuple fait appel à moi, je suis prêt". Aujourd'hui, l'ancien affidé de la CIA monte en grade et se rêve un destin à la Sissi.

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