Libye : cet islamiste qui a pris Tripoli

Les troupes rebelles du CNT sont divisées entre partisans d'une sécularisation et adepte d'une grande influence de l'Islam dans la société. Et parmi ces derniers, certains ont déjà flirté avec l'extrêmisme.
Les troupes rebelles du CNT sont divisées entre partisans d'une sécularisation et adepte d'une grande influence de l'Islam dans la société. Et parmi ces derniers, certains ont déjà flirté avec l'extrêmisme. © MAXPPP
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Le chef qui a dirigé les rebelles pendant la bataille de Tripoli est un islamiste au passé chargé.

"Nous avons remporté la bataille. Ils ont fui comme des rats", se félicitait mardi Abdelhakim Belhaj, le commandant militaire des rebelles à Tripoli, après que ses hommes ont pris le contrôle du quartier-général de Mouammar Kadhafi.

Si la direction de la rébellion est encore méconnue des capitales européennes, cet Abdelhakim Belhaj n’est, lui, pas un nouveau-venu : plus connu sous le nom d’Abou Abdallah al-Sadek, il s’agit d’une des principales figures du djihadisme libyen, comme l’a rappelé vendredi le quotidien Libération. Cet homme incarne toutes les incertitudes autour de la Libye post-Kadhafi et inquiète les services de renseignement.

Fondateur du GICL, très proche d’Al-Qaïda

Né le 1er mai 1966 en Libye, Abdelhakim Belhaj a fait ses armes en Afghanistan contre l’URSS, avant de fonder le Groupe islamique combattant libyen (GICL). Avec l’accord des talibans, cet organisme ouvre plusieurs camps d’entraînement dans ce pays, dont certains formeront des volontaires liés à Al-Qaïda.

Reconnu en 2007 par l’organisation de Ben Laden, le GICL devient une priorité pour la CIA, qui arrête Abdelhakim Belhaj en 2003 en Malaisie. Remis aux services secrets libyens en 2004, il est libéré cinq ans plus tard, l’un des fils de Kadhafi ayant décidé d’opérer une réconciliation du régime avec les islamistes. Mais Abdelhakim Belhaj décide de se retourner contre son libérateur début 2011 en rejoignant avec ses hommes la rébellion.

"Ont-ils changé d’idéologie ? J’en doute"

Les services de renseignement suivent donc avec la plus grande attention l’évolution du GICL. "Les services secrets américains, européens et arabes reconnaissent que l’influence d’anciens membres de ce groupe les inquiète", confiait mi-juillet un cadre des renseignements arabes au quotidien New York Times.

"Il est facile de changer de nom et de dire “Nous n’appartenons pas à Al Qaïda”, mais la vraie question est de savoir s’ils ont changé d’idéologie… et j’en doute", avait-il ajouté sous couvert d’anonymat. Abdelhakim Belhaj a d’ailleurs affirmé que ses troupes "ne respecteraient que ce qui est en accord avec la Charia", rapportait mardi le site internet de Foxnews.

L’énigmatique assassinat du général Younès inquiète

L’assassinat fin juillet du général Abdel Fattah Younès, commandant militaire des forces insurgées libyennes, a ravivé ces craintes. Son assassinat n’est pas anodin lorsqu’on sait qu’il a dirigé la lutte de la Libye contre les islamistes des années durant.

Selon la rébellion, ce dernier aurait été tué par une faction proche des islamistes qui l'escortait vers Benghazi, où il devait être interrogé. D'après Ali Tarhouni, membre du Conseil national de transition (CNT), Younès a été tué par des membres de la brigade Obaïda ibn Jarrah, du nom d'un des compagnons du prophète Mahomet.

Seule certitude, les voisins de la Libye se montrent très vigilants, à l’image de l’Algérie. "Nous voulons être sûrs que les nouveaux dirigeants de la Libye sont engagés dans la lutte contre Al-Qaïda dans notre région, c'est essentiel pour de bonnes relations", a confié jeudi une source gouvernementale.