Les héros de Fukushima

© REUTERS
  • Copié
avec Damien Gourlet
ENQUETE - Des hommes luttent jour et nuit dans la centrale nucléaire. Qui sont-ils ?

Ils sont des centaines à travailler depuis la mi-mars dans la centrale nucléaire de Fukushima. Ces "héros" sont des techniciens, des militaires ou encore des pompiers. Ils ont fait le choix de se rendre dans la "zone interdite" au Japon, où le séisme et le tsunami du 11 mars dernier ont tout détruit, une zone extrêmement radioactive. Qui sont-ils ? Europe 1 vous les présente et vous raconte leur quotidien.

Au lendemain du tremblement de terre, les autorités japonaises ont découvert des dysfonctionnements à la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi. Conséquence : d’importantes émanations radioactives. Tokyo a alors pris la décision d’évacuer les habitants dans une zone de 20 kilomètres autour de la centrale et de faire venir des "liquidateurs". Leur mission ? Tenter de colmater les fuites radioactives.

"Il se passe quelque chose de terrible"

Les premiers à se rendre à Fukushima n'ont pas été des salariés de Tepco, mais des employés des sous-traitants de l’opérateur de la centrale. Ceux que l’on a appelé les "50 de Fukushima" ont travaillé dans des conditions extrêmes, avec les moyens du bord et visiblement très peu de protections. Il n’y avait aucun protocole à suivre puisqu'une telle catastrophe n’avait pas été prévue et les travailleurs de l'extrême n’avaient aucune information.

Ce n’est qu’ensuite que les employés de Tepco ont pris le relais. C’est le cas, par exemple, d’Akihiro Harako. L’homme est à pied d’œuvre depuis plus d’un mois au sein de la centrale nucléaire. Il raconte à Europe 1 s’être "senti obligé d’aller le plus tôt possible à Fukushima, pour accomplir (sa) mission".

"Je devais y aller" : <iframe class="video" src="http://www.dailymotion.com/embed/video/30749604" frameborder="0"></iframe>

Depuis son bunker antisismique, il explique être arrivé alors que "l’évacuation des gens commençait". "Moi, décrit-il, je roulais vers la centrale. C’est là où je me suis rendu compte qu’il se passait quelque chose de terrible".

"Un vrai dortoir de fortunes"

A l’intérieur de la centrale, la vie est difficile. Notamment lorsque les premiers "héros" sont arrivés sur place. Les premiers jours, les conditions de vie étaient déplorables. C’est ce qu’a vécu notamment Kazuma Yokota. L’homme, qu’a pu rencontrer Europe 1, travaille pour l’Agence de sûreté nucléaire japonaise. Il est intervenu sur le site dans les jours qui ont suivi le tsunami. Il a vécu un calvaire.

"On dormait où l’on pouvait : dans les salles de réunion, dans les couloirs et parfois même devant les toilettes. Nous dormions tous par terre, avec juste une couverture. Un vrai dortoir de fortune. Et nous n’avions pas d’eau pour faire notre toilette, il fallait se laver les mains avec une solution hydro-alcoolique. Et puis, on manquait de sous vêtements", se souvient-il. "Tout le monde voulait que les conditions d’existence s’améliorent", confie-t-il. Aujourd’hui, c’est chose faite.

Les équipes sont désormais logées au camp J, un centre de football de haut niveau, situé à 20 kilomètres du site. C’est de là, que partent, à toute heure du jour et de la nuit, des navettes qui emmènent les techniciens, les pompiers et les soldats vers les réacteurs. Et ce quotidien, les héros de Fukushima devraient le vivre durant plusieurs mois.

3 blessés à Fukushima

Ces hommes mettent leur santé en danger à chaque intervention. Officiellement, on ne connaît pas à quelle dose de radioactivité ils sont confrontés chaque jour. Tepco a toutefois reconnu que 21 travailleurs ont reçu plus de 100 millisieverts, soit cinq fois plus que la dose maximale à laquelle peut être soumis un ouvrier d’une centrale nucléaire française. Pour autant, ce ne sont pas des niveaux d’exposition qui entraînent des décès immédiats, mais ils augmentent le risque de cancer, à long terme.

Trois "héros" de Fukushima ont, par ailleurs, été contraints d’abandonner leur poste dans les premiers jours d’intervention. Ils ont été blessés. Deux d’entre eux ont marché dans de l’eau radioactive et ne portaient pas de bottes de protection.

Que va-t-il leur arriver ? Les "50 de Fukushima" victimes de radiations ne sont pas accueillis, comme tous les autres Japonais exposés, à l’hôpital de Chiba, à l’est de Tokyo. Ils seraient confinés sur un bateau, dans un port situé entre Fukushima et Tokyo, Onahama.