Le procès "stalinien" des Pussy Riot

Le procureur a réclamé trois  ans de camp de travail à l'encontre des jeunes femmes.
Le procureur a réclamé trois ans de camp de travail à l'encontre des jeunes femmes. © Reuters
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Charles Carrasco avec agences , modifié à
Le verdict concernant les trois femmes du groupe punk russe sera connu le 17 août.

Ce procès est devenu le symbole de la liberté d'expression en Russie, au moment où le pouvoir fait face à une contestation sans précédent. Le jugement des trois jeunes femmes du groupe de punk russe, Pussy Riot, sera rendu le 17 août à 15 heures. Le procureur a réclamé trois  ans de camp de travail à l'encontre des jeunes femmes, mais elles risquent jusqu'à sept ans de prison. Retour sur un procès qui a agité la Russie et déclenché une avalanche de soutiens internationaux.

• La prière punk. Nadejda Tolokonnikova, 22 ans, Ekaterina Samoutsevitch, 29 ans, et Maria Alekhina, 24 ans, sont jugées pour "hooliganisme" et "incitation à la haine religieuse". Le 21 février dernier, ces artistes sont venues encagoulées, avec guitares et sonorisation et se sont mises à chanter une "prière punk" dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou, demandant à la Sainte Vierge de les "débarrasser de Poutine".

Ces trois femmes sont connues pour leur activisme politique. L'un d'entre elles avait participé à un "happening" d'un groupe d'art contestataire qui avait dessiné un gigantesque phallus sur un pont basculant de Saint-Pétersbourg, en face des bureaux du FSB (ex-KGB).

Fatigue et manque nourriture. Le procès, qui s'est ouvert le 20 juillet, s'est transformé en un véritable calvaire pour les trois punkettes. A cause du manque de sommeil, d'audiences de plus de 12 heures et du manque de nourriture, les musiciennes ont fait plusieurs malaises. "Nous sommes à moitié conscientes, nous ne dormons pratiquement pas, aujourd'hui nous n'avons pas du tout dormi", s'est plainte une des prévenues. Une avocate des Pussy Riot prévoit même de saisir la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg.

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Un procès "surréaliste". Défenseurs des droits de l'homme, députés et journalistes qui ont assisté au procès parlent de scènes surréalistes dans la salle d'audience. La juge accuse "l'avocat de la défense de trop parler (...), la juge continue de l'interrompre", raconte sur son compte Twitter la députée britannique Kerry McCarthy, du Parti travailliste, qui a assisté aux débats de même que des représentants de plusieurs ambassades occidentales. "C'est un peu surréaliste la manière dont la juge interrompt les discussions à certains moments. Je ne crois pas que cela pourrait arriver en Grande-Bretagne", a affirmé la députée.

Le procès a un autre observateur célèbre : l'ex-magnat du pétrole et critique du pouvoir russe Mikhaïl Khodorkovski, emprisonné depuis 2003. Depuis sa cellule de prison en Carélie, au nord-ouest du pays où il suit les audiences, il a déclaré avoir "honte" pour son pays.

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Le retour de Staline. A l'issue du réquisitoire, l'une des prévenues est revenue sur le déroulé du procès qui, selon elle, ressemble à celui des "troïkas de l'époque de Staline", a déclaré Nadejda Tolokonnikova. Elle fait allusion aux groupes de trois personnes (troïka) qui à l'époque de la terreur stalinienne condamnent à des années de camp ou même à mort de manière arbitraire et expéditive. "Notre place est en liberté et pas derrière les barreaux", a-t-elle ajouté, estimant qu'"un ordre politique avait été donné" pour punir les trois jeunes femmes en détention provisoire depuis cinq mois.

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© REUTERS

 Poutine joue l'indulgent. Après une vague sans précédent de contestation en Russie, le président Vladimir Poutine a joué la carte de l'apaisement. S'il estime qu'il n'y avait "rien de bon" dans ce que les jeunes femmes ont fait, il a semblé plaider en faveur d'une certaine indulgence envers elles. "Je ne pense pas qu'elles doivent être jugées trop sévèrement pour ce qu'elles ont fait", a-t-il déclaré en marge d'une visite aux jeux Olympiques de Londres.

Concert de protestations à l'étranger. La médiatisation de cette affaire a accru la pression sur le pouvoir russe. Le soutien international aux Pussy Riot s'est encore élargi mercredi : dans une lettre à l'ambassadeur de Russie à Berlin, 120 députés de la chambre basse du Parlement allemand, le Bundestag, se disent "préoccupés" par la procédure judiciaire. L'Union européenne s'est également déclarée "préoccupée" par les conditions de détention et par les actes d'intimidation contre les défenseurs des jeunes femmes.

Les artistes avec les punkettes. Des artistes du monde entier se sont aussi mobilisés. Yoko Ono, la veuve de John Lennon, en a appelé à Vladimir Poutine pour libérer les jeunes femmes. "Monsieur Poutine, vous êtes un homme sage, vous n'avez pas besoin de lutter contre des musiciens ou leurs amis", a-t-elle déclaré dans un message sur son compte Twitter

"Gardez de la place en prison pour de véritables criminels", a poursuivi Yoko Ono. Mardi, la chanteuse américaine Madonna a rejoint d'autres stars internationales de la chanson en apportant son soutien aux Pussy Riot lors de son concert à Moscou, où elle a assuré prier pour leur libération.

Un groupe de musiciens britanniques, dont Pete Townshend (membre des Who) et les Pet Shop Boys, ont également lancé un appel au président russe. Dans une lettre ouverte publiée jeudi par le Times, douze musiciens s'indignent des accusations "grotesques" portées contre les jeunes femmes. Parmi les signataires figurent également Jarvis Cocker, du groupe Pulp, Alex Kapranos, de Franz Ferdinand, Johnny Marr des Smiths et la chanteuse folk Corinne Bailey Rae.