Le feuilleton DSK en trois actes

L'affaire DSK a été classée après 3 mois de rebondissements judiciaires.
L'affaire DSK a été classée après 3 mois de rebondissements judiciaires. © Reuters
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avec agences , modifié à
Alors que l'affaire DSK a été classée mardi, retour sur une incroyable saga judiciaire.

Le juge américain Michael Obus a décidé mardi d'abandonner les poursuites contre Dominique Strauss-Kahn pour crimes sexuels, à la demande du procureur qui a relevé des mensonges dans les accusations de la femme de chambre du Sofitel de New York. DSK se dit "soulagé". Pour l'accusation, "le procureur a abandonné une femme innocente".

La fin de la procédure pénale ne mettra cependant pas un point final à l'affaire aux Etats-Unis. Les avocats de Nafissatou Diallo ont en effet lancé au début du mois une procédure civile pour obtenir des dommages et intérêts. En attendant, Europe1.fr revient sur les grandes étapes de ce feuilleton judiciaire.

ACTE I : MENOTTE FACE AUX CAMERAS

Le 14 mai, la nouvelle fait l'effet d'une bombe. Le patron du FMI est arrêté à New-York, dans un avion d'Air France en partance pour Paris. Il est accusé d'agression sexuelle par une employée de l'hôtel Sofitel à Manhattan, établissement qu’il vient de quitter. Le lendemain, DSK, qui nie les faits, est formellement accusé d'acte sexuel criminel, tentative de viol et séquestration. La victime présumée, une femme de 32 ans d'origine guinéenne qui élève seule sa fille de 15 ans, l'identifie comme son agresseur au commissariat de Harlem. DSK sort du bâtiment menotté devant les caméras. Les images font le tour du monde.

Le 16 mai, craignant que DSK ne prenne la fuite, une juge rejette une demande de libération sous caution d'un million de dollars. Visé par sept chefs d'accusation passibles de 15 à 74 ans de prison, le socialiste est alors incarcéré à l'immense prison new-yorkaise de Rikers Island. Le 18 mai, la plaignante témoigne devant la chambre d'accusation, le grand jury. Nafissatou Diallo nie alors toute relation sexuelle consentie.

Le lendemain, DSK démissionne du FMI et clame une nouvelle fois son innocence dans un courrier adressé à l’institution. Le juge inculpe formellement l'ancien patron du FMI sur la base des conclusions du grand jury et confirme les sept chefs d'accusation. Dominique Strauss-Kahn est finalement libéré sous caution le 20 mai, après une nouvelle demande de ses avocats. Dominique Strauss-Kahn déménage dans son nouveau lieu de résidence surveillée, une maison très luxueuse dans l'un des quartiers les plus huppés de New York.

ACTE II : L'AFFAIRE BASCULE

Dès la libération sous caution de DSK, les détectives privés vont se pencher sur la vie de l'accusatrice. Le 26 mai, les avocats américains de DSK annoncent être en possession d'informations susceptibles d'"entamer gravement la crédibilité" de la femme de chambre. Le 5 juin, dans une interview accordée à M6, Benjamin Brafman, l'un des deux avocats de DSK, se déclare "confiant" et "prédit que DSK sera relaxé".  Le 6 juin, l'ancien député-maire de Sarcelles se rend au tribunal pénal de Manhattan et s'entend lire l'acte d'accusation le concernant. Il plaide non coupable, ouvrant la voie à un procès public, devant un jury.

L'affaire prend alors une nouvelle tournure et les choses s'accélèrent. Le 1er juillet, selon le New York Times, les enquêteurs ne croient plus à tout ce que leur a dit Nafissatou Diallo. L'agression sexuelle en tant que telle n'est pas mise en cause, mais la plaignante aurait menti plusieurs fois sur les circonstances de l'agression et sur son propre parcours. Dominique Strauss-Kahn retrouve la liberté et le 2 juillet, le JDD révèle que l'homme à qui Nafissatou Diallo a passé un coup de fil en prison est son mari .

L'accusation tente une nouvelle offensive

Le 5 juillet, les expertises des clés électroniques des chambres du Sofitel parlent. Elles confirment la première version des faits apportée par Nafissatou Diallo. Toutefois, les révélations sur la femme de ménage portent un coup dur à l'accusation. Et alors que l'hypothèse d'une condamnation de DSK au pénal commence à s'éloigner, le 8 juillet, Kenneth Thompson, l'avocat de la plaignante, s'en prend à Cyrus Vance, qu'il accuse de manquer d'impartialité. Il demande au procureur de se retirer de l'affaire.

L'accusation lance dans le même temps une offensive médiatique. Alors que la psychothérapeute de Nafissatou Diallo assure le 14 juillet que "le viol a bien eu lieu", dix jours plus tard, Nafissatou Diallo s'exprime pour la première fois. Dans le magazine Newsweek, elle donne sa version détaillée de l'agression qu'elle dit avoir subie. Puis, le 27 juillet, dans un entretien accordé à ABC News, Nafissatou Diallo dément les propos qui lui sont attribués lors d’une conversation téléphonique avec un ancien dealer.

ACTE III : FIN DU "CAUCHEMAR" POUR DSK

Alors que l'action au pénal apparaît de plus en plus compromise, Nafissatou Diallo et ses avocats décident de prendre les devants et d'agir au civil. L'accusatrice de DSK engage en effet le 8 août une action au civil contre l'ancien patron du FMI. Cette deuxième procédure, où la charge de la preuve est moins écrasante, permet de demander d'importants dommages et intérêts. Nafissatou Diallo a dès lors davantage de chance d'obtenir satisfaction. D'autant que L'Express révèle le rapport médico-légal établi au service des urgences d’un hôpital de Manhattan le 14 mai, jour de l’agression présumée. Le rapport conclut que les blessures de Nafissatou Diallo ont été causées par un viol.

Et quelques jours plus tard, comme attendu, l'action au pénal se dirige vers un non-lieu. Après une rencontre éclair le 22 août entre Nafissatou Diallo et le procureur de Manhattan, ce dernier décide de demander au juge de New York d'abandonner les accusations d'agressions sexuelles qui pèsent sur Dominique Strauss-Kahn. L'accusatrice de Dominique Strauss-Kahn "n'a pas été sincère sur des points importants et des détails", selon le parquet de New York. Le juge Michael Obus, accédant à la demande du procureur, décide l'abandon des poursuites.

Le juge a évoqué une possibilité d'appel de la part des avocats de Nafissatou Diallo. A la sortie du tribunal, Dominique Strauss-Kahn, libre, se dit "soulagé" après avoir traversé une épreuve dure et "injuste", avant de conclure : "j'ai hâte de rentrer dans mon pays".

Reste également à savoir si la procédure va se poursuivre au civil, ou si un accord sera trouvé avant entre les deux parties.