Le dalaï-lama renonce à son rôle politique

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Remi Dupré , modifié à
Le chef spirituel bouddhiste abandonne sa fonction de chef du gouvernement tibérain en exil.

Le dalaï-lama prépare sa succession politique. Agé de 75 ans, le prix Nobel de la paix (1989) a annoncé jeudi son intention de renoncer à son rôle en politique en se retirant de la fonction de chef du gouvernement tibétain en exil. Le moine a également annoncé qu'il déposerait un amendement en ce sens lors de la session du Parlement tibétain la semaine prochaine « Dès les années 1960, je n'ai eu de cesse de répéter que les Tibétains avaient besoin d'un dirigeant, élu librement par le peuple tibétain, à qui je pourrai transmettre le pouvoir", a-t-il déclaré. "Aujourd'hui, j'ai clairement atteint le moment pour mettre ceci en application", a précisé le dalaï-lama depuis sa retraite de Dharamsala, terre d’accueil des Tibétains en exil située au nord de l’Inde. Admiré par l’Occident, il a confié jeudi avoir reçu des appels "répétés et sincères" du Tibet mais aussi d'ailleurs pour lui demander de conserver son rôle politique.

Si le dalaï-lama a choisi de renoncer à cette charge politique principalement officielle, il n’abandonne pas pour autant son rôle spirituel. "Mon désir de transmettre l'autorité n'a rien à voir avec une volonté de renoncer aux responsabilités", a ainsi nuancé Tenzin Gyatso, 14ème dalaï-lama. Désigné chef de l’administration centrale du Tibet en 1950, il représente à la fois la lutte de son peuple contre le pouvoir chinois et les valeurs bouddhistes lors de ses voyages à travers le monde.

Une succession délicate

En novembre, un porte-parole du dalaï-lama avait déjà annoncé sa volonté de quitter sa fonction de chef du gouvernement en exil afin d’alléger sa charge de travail. Car plusieurs alertes de santé ont fragilisé Tenzin Gyatso. Il y a trois ans, le dalaï-lama avait annulé une série de conférences en Allemagne et en Suisse en raison de « douleurs abdominales ». Le dignitaire bouddhiste était sorti exténué d’une tournée européenne entreprise quelques mois auparavant pour plaider la cause du Tibet alors que Pékin accueillait les Jeux Olympiques.

Les rumeurs sur son état de santé posent aussi la question de sa succession. Considéré comme la réincarnation du premier dalaï-lama en 1391, Tenzin Gyatso n’a pas de dauphin immédiat. La perspective de son décès est perçue comme un risque d’affaiblissement de l’autonomie culturelle du Tibet. Par ailleurs, la désignation d’un nouveau dalaï-lama est menée par les lamas les plus haut placés dans la hiérarchie. Mais le gouvernement chinois a récemment indiqué qu’il se réservait le droit d’intervenir dans ce processus de succession.

La méfiance de Pékin

Chef d’état en exil depuis 1959 et l’invasion du Tibet par la Chine, le dalaï-lama est perçu comme un séparatiste par le pouvoir de Pékin. Tenant d’une « autonomie culturelle », Tenzin Gyatso a toujours opté pour une ligne diplomatique conciliante à l’égard de la Chine. La modération politique du chef spirituel tibétain se heurte pourtant aux accusations récurrentes de Pékin. «Le dalaï-lama et sa clique » sont souvent brocardés par la République populaire qui voit en lui le dirigeant d’une théocratie sectaire.

Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Jiang Yu, a réagi à ce retrait en assurant que l'annonce du dalaï-lama était une "ruse" destinée à "tromper la communauté internationale". Selon Pékin, "le gouvernement en exil est une organisation politique illégale et aucun pays dans le monde ne le reconnaît". Comme un signe de fermeté.