Le calvaire d'une Tunisienne violée

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"Si mon frère l'apprenait, il me tuerait", raconte Meriem Ben Mohamed, qui publie un livre.

Elle n’ose pas montrer son visage, encore paralysée par la peur et la honte. En septembre dernier, alors qu’elle était avec son petit dans la banlieue de Tunis, Meriem Ben Mohamed ­[il s’agit d’un nom d’emprunt] a vécu l’enfer. Cette jeune femme de 27 ans a été violée par trois policiers avant d’être poursuivie par la justice de son pays pour "atteinte à la pudeur". Finalement relaxée, la jeune femme a écrit un livre, Coupable d'avoir été violée, pour raconter son calvaire, dans un pays où le viol est encore un tabou dont les victimes n’osent pas parler.

Nez à nez avec ses agresseurs au commissariat

Son cauchemar débute le 3 septembre 2013, alors qu'elle est avec son petit ami dans sa voiture, garée en banlieue de Tunis, où trois policiers les contrôlent. "L’un d’entre eux nous a dit, 'on va vous verbaliser, vous allez aller en prison'", raconte la jeune femme sur Europe 1. "Puis ils ont fouillé la voiture pour essayer de trouver quelque chose à retenir contre nous mais ils n’ont rien trouvé", ajoute-t-elle. C’est alors que son calvaire commence. Deux policiers emmènent Meriem dans leur voiture et la violent, tandis que le troisième retient son fiancé. La jeune femme décide alors de porter plainte contre ses agresseurs.

"Je voulais qu’ils paient pour ce qu’ils ont fait"par Europe1fr

"Je voulais qu’ils paient pour ce qu’ils ont fait", confie-t-elle au micro de Nicolas Poincaré. Mais Meriem se heurte à des fonctionnaires de police qui refusent de prendre sa plainte. Toute la nuit, avec son fiancé, elle se rend en commissariat en commissariat. Finalement un policier les oblige à signer une déclaration dans laquelle Meriem et son compagnon s’engagent à ne pas porter plainte. Et en sortant du poste de police, Meriem tombe nez à nez avec ses agresseurs.

"Si mon frère l’apprenait, il me tuerait"

Les agents comprennent alors que la jeune femme cherche à porter plainte et la supplient de ne pas le faire. La jeune femme enregistre alors, en cachette, leurs supplications."Ils avaient vraiment très peur, ça se voyait sur leur visage", se souvient-elle. C’est alors que Meriem et son compagnon sont poursuivis pour atteintes à la pudeur. Il leur est reproché de ne pas avoir eu un comportement convenable dans leur voiture.

Des avocats s’emparent alors du cas de Meriem et l’affaire trouve un écho retentissant dans la presse internationale. Le monde entier est choqué en découvrant l’histoire de cette Tunisienne violée, qui devient l’accusée. Malgré la mobilisation de ses avocats et le mouvement de sympathie de millions de lecteurs et d’internautes à son égard, Meriem n’a jamais osé confier sa situation auprès de son frère et son père. "Si mon frère l’apprenait, il me tuerait", lâche la jeune femme au micro d’Europe 1, car, en Tunisie, avoir une femme violée dans sa famille est une honte, "c’est une question d’honneur", explique Meriem.

Le procès des trois policiers, emprisonnés depuis trois mois, doit s’ouvrir la semaine prochaine. Les deux violeurs risquent la peine de mort, tandis que leur comparse encourt jusqu’à 20 ans de prison. "Je souhaite qu’ils soient exécutés", conclut la jeune femme, qui rappelle que beaucoup de Tunisiens lui ont reproché d’avoir provoqué ce viol en traînant dehors à une heure tardive. Meriem et son compagnon se sont très récemment installés en France, où ils espèrent commencer une nouvelle vie.