Le bonheur encore lointain de la Chine

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Remi Dupré , modifié à
Selon un sondage censuré par Pékin, seuls 6% des Chinois seraient heureux.

Quand le « bonheur » se substitue à « l’harmonie ». Ce glissement sémantique émane du Premier ministre chinois Wen Jiabao lors de son discours samedi à l’Assemblée nationale du peuple. En marge de l’intégration de cette notion de « bien être » dans le vocabulaire du gouvernement de Pékin, un sondage pointe pourtant le faible rapport au bonheur du peuple chinois. Selon une enquête mondiale réalisée sur 155 pays entre 2005 et 2009 par The Gallup World Poll, seulement 6% des Chinois se déclarent « heureux ». Cette étude place l’empire du milieu à la 125ème place d’un classement dominé par le Danemark et ses 82% de citoyens comblés. En comparaison, la France se situe au 44ème rang.

En écho à cet éloquent sondage, les médias locaux se sont penchés sur cette nouvelle notion de félicité. Ainsi, le site China.com.cn a mené une enquête démontrant que 40% des Chinois estiment que le bonheur d’une personne est déterminé par son niveau de richesse. La « pression psychologique » toucherait par ailleurs 27% des sondés. Aussi, ils sont 36% à juger que leur vie s’est améliorée depuis 5 années.

Relayée au départ par la presse officielle, l’étude réalisée par The Gallup World Poll a ensuite été censurée par le régime de Pékin. Elle a cédé la place à des enquêtes flattant davantage les réalisations du gouvernement chinois.

L’économie et la quête du bonheur

Ce constat intervient alors que le pouvoir chinois va présenter en fin de semaine son prochain Plan quinquennal. Selon le Quotidien du Peuple, le discours officiel des dirigeants communistes tiendra compte de cette évaluation dans sa politique économique. Lutte contre l’inflation, programmes en faveur du logement social et des populations rurales. Telles vont être les priorités du gouvernement chinois.

Si le pays doit bénéficier d’une croissance annuelle de l’ordre de 7% d’ici à 2016, la société chinoise est marquée par l’inégalité des salaires. D’où un risque de conflits sociaux établi notamment par la Banque Mondiale dans un récent rapport. La question des exclus de la croissance est ainsi posée en Chine.

Le spectre des révolutions arabes

Face à l’insatisfaction quantifiable d’une majorité de citoyens chinois, le régime de Pékin fait preuve de vigilance. Les révolutions arabes ont incité certains opposants à organiser des manifestations dans plusieurs dizaines de grandes villes chinoises. Depuis la mi-février, ces appels sont relayés sur Internet par les dissidents.

La menace est prise au sérieux par le pouvoir chinois. Devant ces « rassemblements du Jasmin » véhiculés par Facebook ou Twitter, les autorités ont renforcé la présence policière à Pékin et Shanghai. Si le « tout économique » semble s’estomper, l’ouverture politique n’est pas d’actualité.