La Russie lance son titanesque projet gazier Yamal dans l'Arctique

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Le projet, basé dans la péninsule de Yamal, permettra à Total de monter en puissance dans le secteur du gaz naturel liquéfié. © KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP
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avec AFP
Vendredi partira une première cargaison de gaz naturel liquéfié du port de Sabetta en Sibérie. 

C'est un projet hors-norme, au bout du monde : la Russie inaugure vendredi son gigantesque site gazier Yamal en Sibérie arctique, érigé dans des conditions climatiques et géologiques extrêmes.

Usine de liquéfaction du gaz. Le groupe privé russe Novatek, à la tête du consortium international qui mène le projet, a prévu de faire partir la première cargaison de gaz naturel liquéfié (GNL) du port de Sabetta vendredi, après avoir annoncé cette semaine le début de la production de GNL sur la première ligne de production, dont la capacité prévue est de 5,5 millions de tonnes par an. Ce projet à 27 milliards de dollars est un des plus vastes et ambitieux du monde dans le secteur, vise à construire une usine de liquéfaction de gaz.

-50 degrés et un sol de glace. Ce lancement est un premier succès pour le projet, détenu par Novatek (50,1%), le français Total (20%) et les chinois CNPC (20%) et Silk Road Fund (9,9%), qui a connu des défis techniques et financiers. Car si la péninsule de Yamal dispose de ressources considérables, il s'agit également d'une région isolée au nord du cercle arctique, à 2.500 kilomètres de Moscou, où le thermomètre peut descendre jusqu'à -50°C. Depuis le début du chantier fin 2013, il a fallu construire un aéroport et un port en plus des réservoirs et de l'usine elle-même, en dépit de la glace omniprésente une grande partie de l'année.

Bon pour la Russie... et pour Total. Avec ce lancement, "Novatek, autrefois fournisseur local de gaz, devient un acteur mondial du GNL", estime Samuel Lussac, spécialiste du secteur des hydrocarbures russe du cabinet Wood Mackenzie. Le projet permettra également à Total de monter en puissance dans le secteur GNL, dont il est le deuxième acteur mondial. Ce projet présente une importance stratégique pour la Russie. D'une part, elle compte démontrer sa capacité à exploiter les ressources considérables de l'Arctique malgré les défis technologiques. D'autre part, elle veut renforcer sa présence sur le marché disputé du GNL et alimenter ainsi davantage les pays asiatiques, alors qu'elle exporte actuellement surtout vers l'Europe par gazoducs.

La prometteuse route du Nord-Est. Mais selon Samuel Lussac, le projet reste soumis à des risques : les premiers mois montreront "si l'usine peut fonctionner sans accroc dans l'environnement hostile de l'Arctique", et "le transport par le passage du Nord-Est en est à ses débuts, il n'y a pas de certitude quant à sa viabilité en tant que voie majeure de livraison de GNL". Valery Nesterov, analyste chez Sberbank, se veut plus optimiste : le projet "braque les projecteurs sur l'Arctique russe et donnera plus de clarté" sur son avenir, permettant notamment de "développer la route du Nord-Est". La Russie mise beaucoup sur le développement du trafic maritime par cette route, un raccourci maritime rendu accessible par le réchauffement climatique et ponctué de ports et de bases militaires susceptibles de secourir les navires en détresse.  Cette route, qui longe les côtes septentrionales de la Sibérie, permet aux navires de gagner 15 jours par rapport à la voie classique qui passe par le canal de Suez, selon Total.