1:42
  • Copié
Ugo Pascolo , modifié à
Marie Mendras, politologue, spécialiste de la Russie, analyse lundi matin sur Europe 1 la réélection, sans surprise, de Vladimir Poutine, à la tête du Kremlin pour les six prochaines années. 
INTERVIEW

76,67% des voix, 67% de participation, voilà les chiffres officiels de la réélection de Vladimir Poutine. Mais peut-on croire ces chiffres alors que des milliers d'irrégularités ont été ont été relevées par des observateurs ? "Bien sûr que non", répond Marie Mendras, politologue, spécialiste de la Russie au CNRS et Sciences-Po et également ancienne observatrice électorale en Russie. "Cela fait plus de 15 ans que les résultats officiels sont différents des suffrages dans les urnes", assure la spécialiste lundi au micro de Patrick Cohen dans Europe 1 Matin

Élu sans "être candidat". "Les chiffres officiels donnent 55 millions de voix à Poutine, sur 100 millions d'inscrits. Probablement qu'après le décompte des fraudes, on aura plutôt 45 millions de voix", révèle la politologue. "Vladimir Poutine est un homme au pouvoir depuis 18 ans qui empêche les vrais opposants de pouvoir se présenter", analyse l’ancienne observatrice. "Il s’est même arrangé pour ne pas être candidat : il n’a pas fait campagne, il a refusé de débattre avec les autres prétendants, au fond, son message, c’est : 'j’y suis j’y reste'", détaille Marie Mendras. Mais cette élection a poussé le principe encore plus loin : "il y a eu un vrai effort pour augmenter la participation et les suffrages en faveur de Poutine", assure la spécialiste. "C'est une autre façon de transgresser toutes les règles et de dire : 'le pouvoir, c'est vraiment moi'''.

Le colosse Poutine. "Personne ne peut inquiéter Poutine", explique la spécialiste de la Russie. "Ce n'est pas une démocratie, ce n'est pas une véritable élection. Pour Vladimir Poutine, l'important c'est de montrer qu'il est tellement au-dessus de toute le monde que toute contestation est inutile". Autre signe de ce message que Vladimir Poutine a fait passer à la Russie, mais aussi au monde : "il a décalé le jour du scrutin pour qu'il tombe quatre ans jour pour jour après l'annexion de la Crimée, le 18 mars 2014". 

Poutine, président à vie ? Réélu jusqu'en 2024, Vladimir Poutine aura alors 72 ans, dont 24 de pouvoir. Alors est-ce son dernier mandat comme le prévoit la Constitution russe ? "Il se présente de manière assez illégitime, parce que son troisième mandat était occupé par Dmitri Medvedev [entre 2008 et 2012, ndlr], mais il était au pouvoir", rappelle Marie Mendras. Dans les faits, Vladimir Poutine entame là son cinquième mandat, alors que seulement deux sont autorisés. "C'est un régime qui contourne les règles établies en toute liberté : il peut donc faire ce qu'il veut, que ce soit dans 4 ans, 6 ans, 10 ans. Tant qu'il réussit à se maintenir à la tête du pays". 

Quel avenir pour la Russie de Poutine ? Rester en place aussi longtemps que possible, Poutine peut-il y parvenir ? "La situation est de plus en plus difficile", relève la politologue. "On ne peut pas imaginer que la Russie reste immobile pendant six ans. Et ce qui m'inquiète, c'est que le régime a choisi ce rituel d'applaudissements, et veut écraser toutes les critiques. Il y aura donc de moins en moins de contradictions à arriver au Kremlin". "Ils vont être de plus en plus enfermés dans leur obligation de rester au pouvoir, et faire de plus en plus d'erreurs", analyse la spécialiste. Pour elle, l'avenir de la Russie de Poutine est loin d'être rose : "Il  va y avoir de plus en plus de conflictualité, notamment avec les Occidentaux. Et c'est ça aujourd'hui qui devrait nous inquiéter".