La haine communautaire règne en Centrafrique

Les affrontements entre musulmans (sur la photo, un Séléka) et chrétiens font rage en Centrafrique.
Les affrontements entre musulmans (sur la photo, un Séléka) et chrétiens font rage en Centrafrique. © Europe 1 - Xavier Yvon
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Xavier Yvon, envoyé spécial en Centrafrique et Charles Carrasco , modifié à
REPORTAGE - Les lynchages se multiplient à Bangui, la capitale, entre musulmans et chrétiens.

L'INFO. Dans ce chaos ambiant, les miliciens sont capables de passer en quelques heures de victimes à agresseurs. Une semaine après le début de l'opération militaire française Sangaris pour ramener la sécurité en Centrafrique, la haine communautaire est toujours à son paroxysme dans certains quartiers de la capitale Bangui. Et provoque, en retour chez les musulmans, un très vif sentiment anti-français.

Depuis lundi, les 1.600 militaires français mènent une vaste opération de désarmement des "groupes armés" à Bangui, qui dans les faits visent essentiellement les ex-rebelles Séléka. Après avoir pris le pouvoir par les armes en mars 2013, ces combattants musulmans venus du nord du pays, ont fait subir pendant des mois de terribles exactions à la population -très majoritairement chrétienne- de Bangui.

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Un chrétien lynché... Un exemple encore jeudi : à quelques mètres de l'envoyé spécial d'Europe 1, un homme sur une moto se fait happer par une foule enragée. Il est massacré à coups de machettes. Sa moto est incendiée. Cet homme était un chrétien venu acheter des poulets dans une rue commerçante d'un quartier musulman de Bangui, la capitale.

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… et des musulmans massacrés. A l'inverse, pour beaucoup de Banguissois, l'arrivée des militaires français est l'occasion de se venger de ces Séléka honnis, mais également des simples civils musulmans qui, pour leur plus grand malheur, leur sont désormais associés. La preuve : dans la mosquée toute proche, l'envoyé spécial d'Europe 1 a vu, alignés, les corps tailladés de sept musulmans, dont une petite fille de trois ans. L'un des cadavres masculin portait encore des liens autour des poignets, des entailles béantes sur les mains, les jambes et le menton. Tous ont été tués par des chrétiens. Depuis plusieurs jours, ces scènes se répètent et la colère monte chez les musulmans.

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"Jusqu'à maintenant, les musulmans n'ont pas encore dit m… Mais si ça continue comme ça, on va dire m… Nous, on va exploser ! On est prêts à se sacrifier", scande l'un d'eux au micro d'Europe 1. "On n'a pas attaqué les chrétiens à leur domicile. Mais à présent, on est prêts. Nous voulons nous venger", assure un autre musulman très remonté.

Les musulmans sont furieux. Dans la rue à côté de la mosquée, au passage d'une patrouille de blindés français, la foule hurle des insultes. Un homme fait même un bras d'honneur. De leur côté, beaucoup de Séléka, frustrés d'avoir été désarmés et cantonnés dans leurs bases, sont furieux d'avoir été privés par les Français de tout moyen de se défendre -avec leurs familles et leurs proches- face à la vindicte populaire. "L'armée française est complice. Ils ont monté les chrétiens contre les musulmans. C'est clair !", accuse un homme dans la foule. "Mais nous sommes prêts à combattre jusqu'à la fin", affirme ce musulman rencontré par Europe 1.

Un Séléka :

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Ils fuient leurs maisons. Le cycle infernal de violences et de représailles est ainsi lancé. Chaque jour, de plus en plus de gens fuient leurs maisons à Bangui. Ils partent se réfugier soit autour de l'aéroport (près de 45.000 personnes), et donc près de la base française, soit dans des lieux sécurisés comme les églises. Au moins 110.000 déplacés ont été recensés dans la zone. Les conditions sanitaires sont extrêmement précaires. Désormais, les ONG craignent une catastrophe humanitaire.

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